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Billy Wilder et les Coen Bros. [Film]

Publié : 22 novembre 2003, 19:38
par Banane
Comme je trouve que les débats sur les Matrix sentent le réchauffé, j'aimerai bien savoir s'il y en a qui sont allés voir "Intolerable cruelty" des Coen Bros. (l'un à la réalisation, l'autre à l'écriture). J'avoue que j'attendais ce film avec impatience, sans doute trop, d'où ma relative déception.
Après leur très bel hommage au film noir (The man who wasn't here), leur hommage à Preston Sturges (Oh brother where art thou ?), ils ont affiché leur volonté de réaliser une screwball comedy, genre très en vogue dans le cinéma américain des années 30/40 et dont des cinéastes comme Howard Hawks, George Cukor ou Ernst Lubitsch étaient les princes. Connaissant la cinéphilie des 2 frangins, j'espérais un très grand film qui nous change VRAIMENT des nunucheries qui se pointent (ou se sont pointés) à l'horizon comme les Bridget Jones et autres Quand-Pretty-woman-rencontre-Harry-qui-vient-just-married.

La screwball comedy est en fait un film basé sur un classique boy-meets-girl, mais raconté avec esprit, finesse, humour dévastateur, et d'homériques et exitantes "battles of the sexes" où les DEUX parties étaient mis sur un pieds d'égalité, où la futilité s'accompagnait de la gravité en filigranne, et où l'acidité n'empéchait pas le romantisme (exemples types : "L'Impossible Monsieur Bébé" de Hawks -Rhâââ la scène des fesses en l'air, si si !-, "La 8ème femme de Barbe-bleue" de Lubitsch -Rhâââ la scène du baiser aux oignons-, "Adam's rib" de Cukor, etc). Le film des frères Coen, aussi sympathique soit-il, ne fait que confirmer ce genre est définitivement mort et enterré.

Pour en revenir au film : ça raconte l'histoire d'un avocat arborant une façade cynique et qui fait son beurre sur des divorces graveleux à l'américaine. Il défend un mari veule dont la femme "trompée" veut divorcer en empochant la moitié de la fortune. Il rencontre ladite épouse, aussi vénale et glamoureuse que lui, et bien sûr tombe amoureux, lui le grand cynique, tout en faisant gagner le mari. La femme se vengera bien sûr de cet affront, mais il semble qu'elle n'est pas irrésistible à son charme, est-elle digne de confiance ? Bon ça part bien, Clooney nous gratifie d'un bon numéro d'acteur burlesque (m'enfin, je préfèrerai toujours Cary Grant), le scénar' au dessus des nunucheries suscitées, mais pourquoi j'éprouve une légère frustration ? Sans doute parce que, sous ses airs de "comédie romantique mais féroce" (dixit l'affiche), le film rejoint quand même le niveau d'un duo Meg Ryan/Tom Hanks. Ensuite, je trouve que le film relève plus du savoir-faire (certes bien rodé), mais ne me paraît pas inspiré. La construction du scénar' est trop mécanique à mon goût, certains gags récurrents tournent à vide (Clooney et sa manie de vérifier la blancheur de ses dents, le fait de déchirer le contrat de mariage en béton Massey, qui devient une prétexte de scénario prévisible). Ensuite, la satire ne va nulle part, on ne nous dit rien de nouveau : les riches divorcées de Beverly Hills sont siliconnées, les hommes de pouvoirs sont lubriques, le véritable amour c'est rare, la richesse engendre la solitude (c'est mieux d'être pauvre, hein), etc, et la critique du système judiciaire et matrimonial américain pas si incisive que ça (les meilleurs épisodes d'Ally McBeal le faisaient mieux, et avec loufoquerie).

Si je compare avec le "Kiss me stupid" de Billy Wilder, là par contre, j'ai ressenti cette légère impression de vertige car ce film, tout en ayant une fin qui à l'air moral (l'air seulement ^^), a un déroulement amoral et suggère ni plus ni moins l'échangisme comme bouée de sauvetage d'un mariage monotone (on était en 1964 !), mais malgré tous ces paradoxes, nous fait sentir le caractère proprement sacré du mariage. C'est cette façon de marcher sur un fil ténu, cette distance ironique, l'incertitude qu'il génère en nous que j'ai toujours admirée chez Billy Wilder. "Intolerable cruelty" est plus proche de la "Sabrina" de Billy Wilder que de "Kiss me stupid". Pourtant "Sabrina" est à mon sens un des films les plus faciles de Billy W. car trop rassurant (vous z'en faites pas, Audrey Hepburn trouvera l'amuuuuuuur) et donc le moins représentatif de la verve du regretté cinéaste austro-américain.

De plus, ce film est entièrement à la gloire de Clooney, le personnage de Zeta-Jones n'a pas vraiment le droit à une telle entreprise d'humanisation. Le playboy est un sentimental qui se cache, on va vous le démontrer par 1000, semblent dire les frangins (même s'il est "coupable" le 1er d'une tentative de meutre, le tout filmé burlesquement -c'est la scène la plus faible du film à mon sens- pour bien montrer qu'on rigole / j'aurai préféré une scène où on est vraiment pas sûr qu'il ait pas des pulsions meurtrières, ce qu'aurait fait un Billy Wilder, tout en reussissant à rester drôle), CZJ lui sert surtout de faire valoir (d'ailleurs le choix de Madame Michael Douglas dans le rôle est très révélateur, c'est sûr qu'on ne pourra pas accuser les frères COEN d'erreur de casting ^^, CZJ jouant à peu de chose près son propre rôle : une parvenue glamourissime et procédurière), on lui met certes 2/3 bonnes répliques dans la bouche mais j'ai plus l'impression de quotas.

Ne vous trompez pas, ce film est largement supérieur à la moyenne, c'est juste qu'il aurait pu être mieux à mon sens ^^.
Cette "infériorité" par rapport aux classiques du passé (mais qui n'engage que moi) est sans doute due au fait qu'aujourd'hui, on peut TOUT montrer (Truffault disait "Maintenant on fout la caméra en dessous de trous de nez des acteurs"), auparavant, à cause de la censure, les cinéastes devaient se creuser la tête pour suggérer le détail le plus graveleux tout en gardant l'aspect le plus policé qui soit, cf la scène de la robe déchirée et des fesses à l'air de Katharine Hepburn, suivie d'un "culbutage" par derrière en bonne et due forme par Cary Grant dans "L'Impossible Monsieur bébé", sur le papier, c'est d'une vulgarité sans nom, mais je vous assure qu'à l'écran, il n'y a pas la moindre vulgarité, et que c'est TRES drôle.

Banane

Billyyyyyyyy, tu nous manques tant !

Billy Wilder et les Coen Bros. [Film]

Publié : 22 novembre 2003, 21:01
par weirdkorn
Tu as été plus courageux et plus inspiré que moi pour la critique. Il faut dire que tu as une grosse culture cinématographique.

Billy Wilder et les Coen Bros. [Film]

Publié : 24 novembre 2003, 20:00
par Banane
A Arak : ah je viens de comprendre qu'il avait été déplacé ! Comme j'avais posté sur le forum Cinéma, j'avais cru que je l'avais perdu en faisant une mauvaise manip. ça m'est déjà arrivé, je me prend la tête 30 min pour construire un texte, et hop je perd tout pour des raisons diverses, screugneugneu, j'ai alors la rage et aucune envie de recommencer, et j'avais cru que c'est ce qui s'était passé.

A Weirdkorn : zeu suis unE banane, pas un bananier, ç_____ç.

^^

BananE