Johnny Got His Gun [Film]
Publié : 19 juillet 2004, 12:05
[url=http://img29.imageshack.us/img29/7806/JohnnyGunAff.jpg" title="Johnny Got His Gun]Johnny Got His Gun[/url] (1971)
Johnny sen va-t-en guerre
Réalisation : Dalton Trumbo
Interprètes : Timothy Bottoms (Joe Bonham), Kathy Fields (Kareen), Diane Varsi (l'infirmière), Jason Robards (le père) et Donald Sutherland (Le Christ).
Genre : Drame
Pays : USA
Durée : 111 minutes
Particularités :
Adaptation cinématographique du roman Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo (1939).
Grand Prix du Jury et Prix de la Critique Internationale au Festival de Cannes en 1971
Prix du Meilleur Film au "Festival des Festivals" à Belgrade en 1972.
Si vous ne connaissez pas
Lhistoire se passe durant la première guerre mondiale. Après avoir été atrocement blessé par un obus, les chirurgiens militaires décident de maintenir en vie Johnny pour le bien de la science. Mais alors que les médecins le considèrent décérébré, leur patient sort de sa léthargie et prend peu à peu conscience de son état. Sourd, aveugle, muet, dépourvu de membres supérieurs et inférieurs, Johnny nest plus quun tas de chair allongé sur un lit dhôpital. Seul son cerveau est en état de fonctionnement. Plongé dans lobscurité totale, il ne parvient pas à faire la part entre la réalité et les rêves. Ses pensées tourmentées cherchent dés lors le moyen de communiquer avec le monde extérieur et lui démontrer que lui, Johnny, "est" encore
Les contextes historiques : un devoir de mémoire.
Johnny Got His Gun (le livre) paraît au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le 3 septembre 1939. Parce quil est l'un des plus terribles pamphlets antimilitaristes, louvrage de Trumbo devient le livre de chevet des pacifistes. Mais sa sortie en pleine mobilisation des forces contre le nazisme dHitler fait aussi de Johnny Got His Gun une uvre de défaitiste.
Il faut attendre 30 années pour quune adaptation cinématographie voit le jour après plusieurs tentatives de réalisations infructueuses. Cette fois-ci, cest au bon moment que Johnny sinscrit contre la guerre puisquil est diffusé au moment même ou les USA sont dans le bourbier vietnamien, la guerre absurde. Cet événement sera rapidement repris par les mouvements pacifistes qui, profitant de la sortie du film, feront de Johnny la Bible de la lutte contre la Guerre.
Avec son Johnny Got His Gun, Trumbo sinscrit magistralement dans une volonté du devoir de mémoire en englobant 50 ans datrocité guerrière. Il évoque la Première Guerre Mondiale quil écrit juste avant la Seconde comme prophétisant déjà le cycle dautodestruction si cher à lhomme. En portant à lécran son livre éponyme pendant la guerre du Vietnam, il fait de son Johnny une uvre incontournable et mémorable.
La voix intérieure : le fleuve de la souffrance.
Dans Apocalypse Now de Coppola, le personnage principal se rendait "au cur des ténèbres" par lintermédiaire dun fleuve pour finalement terminer son voyage aux pieds de la folie des hommes. Dans Johnny Got His Gun, on retrouve ce même cheminement mais de manière symbolique. Le fleuve, cest sa graduelle prise de conscience sur sa véritable condition physique et sur le monde absurde qui lentoure. Sa voix intérieure, seul témoignage de sa lucidité implicite et que le spectateur est le seul à entendre, capte les vibrations du monde environnant et cherche à savoir ce quon lui a fait.
Trumbo a délibérément mis de côté le voyeurisme si cher aux films de phénomènes de foire tels que Freaks ou Elephant Man (même si la référence y est présente). Il reste discret et ne montre jamais les parties mutilées de son personnage. Le film nen est pas moins violent et éprouvant, notamment par lintermédiaire des pensées de Johnny. Comment ne pas ressentir un profond bouleversement dans la séquence où deux médecins discutent tranquillement de la présumée léthargie de Johnny pendant que celui-ci hurle mentalement à la mort sa souffrance. Un esprit enfermé dans le néant absolu et qui divague entre rêves, cauchemars, souvenirs et réalité sans vraiment savoir où se situent les frontières. De quoi devenir fou !
Mais sa voix intérieure ne perd finalement pas le contrôle et cherche sur tous les fronts le moyen de ressusciter. La mise en scène de Trumbo retranscrit parfaitement ce voyage chaotique. Le noir et blanc pour la triste condition larvaire de Johnny. La couleur pour tout le reste. Difficile donc pour nous aussi de faire la part entre ses songes et ses réminiscences. Ces plages tantôt reposantes et belles, tantôt étranges et symboliques sont suffisamment salutaires pour nous éloigner quelques instants de la souffrance intérieure de Johnny et nous faire découvrir un personnage plus quattachant sur qui le malheur ou la folie des hommes - a jeté son dévolu.
L'acharnement médical : un jouet entre leur main.
Le livre de 1939, puis le film de 1971 pointent déjà du doigt lacharnement thérapeutique discutable et qui préfigurent les problèmes actuels sur la pratique de leuthanasie.
Le personnage de Johnny apparaît ainsi comme le cobaye dune science médicale et militaire maladroite qui cherche à progresser dans leur domaine de prédilection. Les "illustres sages", imbibés de leurs certitudes, nhésitent pas à conclure rapidement que Johnny nest quun corps meurtri dépourvu de conscience. Et bien évidemment, ils se trompent. Mais même effroyablement illuminés par leur erreur, ils restent sur leur position et nécoutent pas lappel de détresse de Johnny. Impassibles quils sont ! Le libre arbitre est pulvérisé, lamentablement troqué par la démence.
Il ny a rien de pire quun destin imposé. Trumbo dresse ici non seulement le portrait dune science militaire tout à fait cynique, voire inhumaine, qui sacharne à maintenir en vie un esprit séquestré dans un corps qui nen est plus un, mais aussi le portrait dun jeune homme qui a suivi la voie que dautres ont tracé pour lui et qui, au final, na même pas le droit de décider de son devenir. Triste ironie du sort que celui de Johnny.
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Si vous ne connaissez pas cet éprouvant et magnifique plaidoyer pour la paix, alors je vous invite très vite à voir Johnny Got His Gun, seul film du célèbre journaliste indépendant et scénariste Dalton Trumbo qui a notamment travaillé sur Spartacus, Seuls sont les Indomptés ou Papillon. La présentation au Festival de Cannes 1971 de ce véritable chef duvre provoqua dailleurs un profond bouleversement. Et pour cause, cest un film rude, choquant et pessimiste mais chargé de poésie, de compassion et damour. Ce nest pas simplement une histoire dramatique, cest aussi un film qui, après avoir été plus ou moins difficilement digéré, nous donne envi de profiter de chaque instant, sans concession.
Une uvre qui mérite dêtre connu des jeunes générations. Une uvre qui laisse derrière elle une empreinte ineffaçable
Johnny sen va-t-en guerre
Réalisation : Dalton Trumbo
Interprètes : Timothy Bottoms (Joe Bonham), Kathy Fields (Kareen), Diane Varsi (l'infirmière), Jason Robards (le père) et Donald Sutherland (Le Christ).
Genre : Drame
Pays : USA
Durée : 111 minutes
Particularités :
Adaptation cinématographique du roman Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo (1939).
Grand Prix du Jury et Prix de la Critique Internationale au Festival de Cannes en 1971
Prix du Meilleur Film au "Festival des Festivals" à Belgrade en 1972.
Si vous ne connaissez pas
Lhistoire se passe durant la première guerre mondiale. Après avoir été atrocement blessé par un obus, les chirurgiens militaires décident de maintenir en vie Johnny pour le bien de la science. Mais alors que les médecins le considèrent décérébré, leur patient sort de sa léthargie et prend peu à peu conscience de son état. Sourd, aveugle, muet, dépourvu de membres supérieurs et inférieurs, Johnny nest plus quun tas de chair allongé sur un lit dhôpital. Seul son cerveau est en état de fonctionnement. Plongé dans lobscurité totale, il ne parvient pas à faire la part entre la réalité et les rêves. Ses pensées tourmentées cherchent dés lors le moyen de communiquer avec le monde extérieur et lui démontrer que lui, Johnny, "est" encore
Les contextes historiques : un devoir de mémoire.
Johnny Got His Gun (le livre) paraît au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le 3 septembre 1939. Parce quil est l'un des plus terribles pamphlets antimilitaristes, louvrage de Trumbo devient le livre de chevet des pacifistes. Mais sa sortie en pleine mobilisation des forces contre le nazisme dHitler fait aussi de Johnny Got His Gun une uvre de défaitiste.
Il faut attendre 30 années pour quune adaptation cinématographie voit le jour après plusieurs tentatives de réalisations infructueuses. Cette fois-ci, cest au bon moment que Johnny sinscrit contre la guerre puisquil est diffusé au moment même ou les USA sont dans le bourbier vietnamien, la guerre absurde. Cet événement sera rapidement repris par les mouvements pacifistes qui, profitant de la sortie du film, feront de Johnny la Bible de la lutte contre la Guerre.
Avec son Johnny Got His Gun, Trumbo sinscrit magistralement dans une volonté du devoir de mémoire en englobant 50 ans datrocité guerrière. Il évoque la Première Guerre Mondiale quil écrit juste avant la Seconde comme prophétisant déjà le cycle dautodestruction si cher à lhomme. En portant à lécran son livre éponyme pendant la guerre du Vietnam, il fait de son Johnny une uvre incontournable et mémorable.
La voix intérieure : le fleuve de la souffrance.
Dans Apocalypse Now de Coppola, le personnage principal se rendait "au cur des ténèbres" par lintermédiaire dun fleuve pour finalement terminer son voyage aux pieds de la folie des hommes. Dans Johnny Got His Gun, on retrouve ce même cheminement mais de manière symbolique. Le fleuve, cest sa graduelle prise de conscience sur sa véritable condition physique et sur le monde absurde qui lentoure. Sa voix intérieure, seul témoignage de sa lucidité implicite et que le spectateur est le seul à entendre, capte les vibrations du monde environnant et cherche à savoir ce quon lui a fait.
Trumbo a délibérément mis de côté le voyeurisme si cher aux films de phénomènes de foire tels que Freaks ou Elephant Man (même si la référence y est présente). Il reste discret et ne montre jamais les parties mutilées de son personnage. Le film nen est pas moins violent et éprouvant, notamment par lintermédiaire des pensées de Johnny. Comment ne pas ressentir un profond bouleversement dans la séquence où deux médecins discutent tranquillement de la présumée léthargie de Johnny pendant que celui-ci hurle mentalement à la mort sa souffrance. Un esprit enfermé dans le néant absolu et qui divague entre rêves, cauchemars, souvenirs et réalité sans vraiment savoir où se situent les frontières. De quoi devenir fou !
Mais sa voix intérieure ne perd finalement pas le contrôle et cherche sur tous les fronts le moyen de ressusciter. La mise en scène de Trumbo retranscrit parfaitement ce voyage chaotique. Le noir et blanc pour la triste condition larvaire de Johnny. La couleur pour tout le reste. Difficile donc pour nous aussi de faire la part entre ses songes et ses réminiscences. Ces plages tantôt reposantes et belles, tantôt étranges et symboliques sont suffisamment salutaires pour nous éloigner quelques instants de la souffrance intérieure de Johnny et nous faire découvrir un personnage plus quattachant sur qui le malheur ou la folie des hommes - a jeté son dévolu.
L'acharnement médical : un jouet entre leur main.
Le livre de 1939, puis le film de 1971 pointent déjà du doigt lacharnement thérapeutique discutable et qui préfigurent les problèmes actuels sur la pratique de leuthanasie.
Le personnage de Johnny apparaît ainsi comme le cobaye dune science médicale et militaire maladroite qui cherche à progresser dans leur domaine de prédilection. Les "illustres sages", imbibés de leurs certitudes, nhésitent pas à conclure rapidement que Johnny nest quun corps meurtri dépourvu de conscience. Et bien évidemment, ils se trompent. Mais même effroyablement illuminés par leur erreur, ils restent sur leur position et nécoutent pas lappel de détresse de Johnny. Impassibles quils sont ! Le libre arbitre est pulvérisé, lamentablement troqué par la démence.
Il ny a rien de pire quun destin imposé. Trumbo dresse ici non seulement le portrait dune science militaire tout à fait cynique, voire inhumaine, qui sacharne à maintenir en vie un esprit séquestré dans un corps qui nen est plus un, mais aussi le portrait dun jeune homme qui a suivi la voie que dautres ont tracé pour lui et qui, au final, na même pas le droit de décider de son devenir. Triste ironie du sort que celui de Johnny.
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Si vous ne connaissez pas cet éprouvant et magnifique plaidoyer pour la paix, alors je vous invite très vite à voir Johnny Got His Gun, seul film du célèbre journaliste indépendant et scénariste Dalton Trumbo qui a notamment travaillé sur Spartacus, Seuls sont les Indomptés ou Papillon. La présentation au Festival de Cannes 1971 de ce véritable chef duvre provoqua dailleurs un profond bouleversement. Et pour cause, cest un film rude, choquant et pessimiste mais chargé de poésie, de compassion et damour. Ce nest pas simplement une histoire dramatique, cest aussi un film qui, après avoir été plus ou moins difficilement digéré, nous donne envi de profiter de chaque instant, sans concession.
Une uvre qui mérite dêtre connu des jeunes générations. Une uvre qui laisse derrière elle une empreinte ineffaçable