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Peeping Tom [Film]

Publié : 14 septembre 2004, 13:23
par Daggy
[url=http://www.madphat.com/mpmania/media/peepingtom.jpg" title="Peeping Tom]Peeping Tom[/url] (1960)
Le Voyeur

Réalisation : Michael Powell
Scénario : Leo Marks
Interprètes : Karl-Heinz Bohm (Mark Lewis), Anna Massey (Helen Stephens)
Genre : Drame
Pays : GB
Durée : 109 minutes


Vous aimez les films qui se sont financièrement plantés lors de leur sortie en salle ? Les films qui se sont fait descendre par les critiques qui n'ont pas compris la portée du message ? Si en plus, ces films sont étranges, inquiétants, voire même originaux ? Et ceux qui mettent 40 ans avant dêtre considéré comme "film important de lhistoire du cinéma", vous en connaissez beaucoup ? Vous êtes pas obligé de me croire mais Peeping Tom condense à lui tout seul toutes ces qualités ou tares suivant le point de vue de tout un chacun. Mais au fait, avant que je ne poursuive, jai demandé si vous aviez déjà entendu parlé du ptit Peeping Tom ? Nan ? Eh bien remédions à cette omission sur-le-champ


Si vous ne connaissez pas
Mark Lewis est un jeune opérateur de prises de vues pour le cinéma. On dirait pas à le voir mais Mark a un curieux passe-temps. Rien de grave, je vous rassure. Il trouve juste un malin plaisir à filmer avec une caméra 16 mm lassassinat de jolies filles. Un type qui gagne à être connu, quoi. Mais un jour, sa douce et jeune voisine, Helen, décide de sacoquiner avec ce jeune homme quelle trouve certes séduisant, mais surtout bizarre.

Jai dit bizarre ? Oh ! Excusez-moi Je voulais dire "complètement-irresponsable-et-au-fort-potentiel-criminogène". Je crois que cest plus correct pour ne pas vous induire en erreur. Car même si la présence dHelen dans sa vie remet en cause le comportement étrange de Mark, la torture névrotique ne demande quà sexprimer, en frappant chaque minute dans un coin de sa tête. Et Mark ne résiste pas. Il tue encore une fois pour assouvir le monstre qui est en lui


Le mélange des genres
Pendant plus de 20 ans, Michael Powell fût considéré comme lun des plus illustres cinéastes britanniques. Ses collaborations avec Emeric Pressburger ont donné naissance à de grands classiques tels Colonel Blimp (1943), Les Chaussons Rouges (1948), Les Contes dHoffmann (1951)... En 1960, Powell se décide enfin à passer derrière la caméra pour réaliser un rêve, celui de Peeping Tom. Ce film apparaît comme laboutissement dune belle carrière puisque Powell fait de son film un melting-pot des genres cinématographiques quil maîtrise avec beaucoup de subtilités.

Curieuse alchimie que de raconter lhistoire d'un tueur en série façon Jack L'Eventreur, tout en incluant de nombreuses séquences humoristiques so british, et même un peu de comédie musicale Cest peut-être ce mélange qui a repoussé le public et les critiques de lépoque, conduisant malheureusement Powell à la ruine. Car parler dun thème horrible en lenrobant de multicolore, cest ne pas se plier aux règles cinématographiques propre à chaque genre, cest fuir les tentacules du classicisme soporifique, mais aussi braver les interdits et proposer au spectateur une nouvelle expérience. Et cest justement ce qui fait de Peeping Tom un film unique, original et vraisemblable. Car dans la réalité de nos vies respectives, les apparences du monde ne sont-elles pas nuancées, souvent épouvantables, parfois drôles, pleine de romances et de drames ?


Retrouver la sensation davoir peur

Assez complexe, le film de Powell dresse le portrait dun individu singulier, interprété par un Carl Boehm déstabilisant. Vous connaissez sûrement cet acteur pour lavoir vu au côté de Romy Schneider dans Sissi et de ses séquelles. Physique agréable, attitude enfantine, on le dirait presque timide. Mais comme le souligne si justement le deux ex machina du film (dont je terrai le nom), Mark nest pas timide : il est "furtif". Waouh ! Jai toujours dit que le choix des mots était dune importance capitale. Ca change tout, en effet

Derrière un jeune homme à lapparence candide se dissimule un désaxé, un être à qui lon a retiré une pièce maîtresse pour fonctionner correctement. La quête morbide de Mark est totalement renversante : il cherche à capter le sentiment de peur quon lui a retiré enfant en les fixant sur pellicule pour mieux en profiter pendant ses projections privées et orgasmiques. Mais comment peut-on perdre ce sentiment ? A force de conditionnement comme dans le traitement "Luduvico" dOrange Mécanique ? Hum

En fait, je ne révèle rien de très surprenant en vous disant que le cher papounet de Mark, un savant qui a consacré sa vie à létude de la scoptophilie (cousin acariâtre du voyeurisme), a utilisé son fils Mark comme cobaye pour ses expérimentations sur les origines de la peur. Sympa le paternel dimpliquer autant son fils dans son travail. Yen a pas beaucoup des parents comme ça, hein ? Mais à force de confronter son gosse à ce sentiment nuit et jour, il a finit par laseptiser. Ainsi, Mark ne fait que chercher à capter lémotion via le filmage des visages effrayés qui lentourent.

Sa folle quête est dailleurs retranscrite à lécran par une mise en scène talentueuse : leitmotiv de la partition musicale jouée par les touches frénétiques dun piano ; changement datmosphère par le jeu subtil des lumières ; utilisation de la subjectivité malsaine de la caméra transformée pour loccasion en arme... Tout concorde pour nous donner le frisson. Et pourtant ! On ne parvient pas à détester le ptit Mark. Powell fait de son tueur un individu finalement attachant, car perdu dans les tourments de son enfance et qui cherche à dépouiller chez les autres ce que son père lui a volé pour le bien dautrui.



Peeping Tom est probablement le film parlant le mieux de conception cinématographique. A la manière du Fenêtre sur Cour
de Hitchcock, le thème principal du film de Powell est la fascination de limage, poussée jusque dans les ultimes retranchements de la psychose. Le désir intime de retranscrire les sentiments humains et de réveiller lémotion que le spectateur croit avoir perdu dans un société qui stérilise tout sur son passage. Un film complexe, certes, mais une analyse très fine sur le cinéma et ses dérives possibles pour combler un manque