sorry Nin, je vais aussi raconter comment j'ai vu cette soirée, avec l'interview en moins. C'était bien, hein ?
Le monde de la nuit rencontre le monde de l’église.
‘Malgré le réchauffement climatique, les cœurs se glacent. On se méfie, on met de la distance entre les hommes. Pour la première fois un Evêque met sa cathédrale à la disposition de la musique électronique et de la danse. Et au lieu d’une messe aux prêches entrecoupés de chœurs, la musique fera partie de la parole’.
Ca c’était en gros ce que disait le père Tiem au début pour présenter le truc.
A première vue, en arrivant sur la grand-place à 20H45, c’est qu’il y a pas trop de monde. Juste des quidams dehors qui fument une cigarette, car c’est pas possible à l’intérieur. Une fois entrés, des gens distribuent des prospectus pour les JMJ et la paroisse, et on sait pas si on va sourire nerveusement ou sauter partout.
Y’a pas à dire, la cathédrale est magnifique. Il y a au moins 30 mètres jusqu’au plafond voûté et majestueux. Devant, les bancs ont été enlevés, remplacés par des tapis sur un 15aine de rangées. Ensuite venaient les chaises jusqu’au fond.
En arrivant à l’heure là, le DJ était déjà en train de mixer comme un fou de l’électro-house, et ça faisait un choc de voir les nobles paroissiens, venus en force, assis comme un dimanche matin alors que le beat, promené par l’écho énorme, faisait le tour de la cathédrale pour revenir remplir nos oreilles d’une manière quasi-omnisciente.
Après le discours de présentation très bien ficelé, où père Tiem rappelait que l’église faisait l’effort d’aller vers la culture jeune, les choses devinrent très intéressantes : alors qu’un homme faisait la lecture de la genèse (premier jour …
, des sons montaient, orages, eau, sifflements, suggestion de création, une danseuse venue du fond de l’église s’approcha lentement, en aube blanche à capuche, une ode à la pureté. Plus le récit avançait, plus les sons montaient, puis au cinquième jour le beat s’est mis à partir, tandis que la danseuse enlevait son aube pour danser comme au cabaret, en pantalon blanc moulant, avec un spot bleu sous elle qui l’éclairait et projetait son ombre jusqu’au plafond. Pour moi, ce fut un des meilleurs moment de la soirée, cette combinaison de trois facteurs a priori que tout oppose.
Mais à côté de moi il y avait deux nones, et pas loin un curé faisait son rapport écrit et chez eux l’emballement est vite retombé, surtout en voyant la danseuse. Et d’ailleurs, c’était aussi l’avis de ma copine : cette gêne inexplicable éprouvée dans un lieu sacré soumis à une tension bigrement contemporaine, vaine, provocante. Les photographes et les caméras (France 3 ….) se sont bien déchaînés sur cette femme, puis sur le groupe de danseurs qui venait après sur fond d’un autre récit biblique beaté.
Le schéma était donc comme ça. Un extrait de l’Ecriture agrémenté de musique et de danse, et plus la musique montait, plus les personnes se levaient pour danser. Entre chaque prestation, un petit interlude se produisait : une toute petit fille qui a couvert toute la longueur de la cathédrale, vêtue de blanc, spot dans la tronche, avec une colombe dans les mains, et qui l’a libérée dehors. Une Marie sensée être pure mais qui, on parie ?, ne l’était sûrement plus depuis longtemps se promenait au milieu de l’allée pour dégager une impression d’amour à Dieu et à Jésus. Un duo DJ / Djembé, un duo DJ / guitare (qui a cartonné, ça faisait un peu Rinocerose).
A la fin, après les remerciements du prêtre, le public a pu danser 30 à 45 mn sur de la bonne house. Des combinaisons fabuleuses, je pense, et si la bande-son traîne dans le coin, je la prends sans hésiter.
En plus, niveau matériel, les choses étaient pas faite à moitié : super sono, son bien géré malgré la difficulté de la sonorisation, estrades, spots, jets de fumées aux moments stratégiques, mise en valeur de l’endroit et réelles répétitions / coordinations entre les acteurs de l’événement.
Il n’y avait pas de public précis. Ca sentait les gens de la paroisse, mais aussi les techno-men pâles et piercés, qui s’excitaient mâchoire serrées pour trouver un coin pour uriner : handicap n°1 pour une église. Et comme tous les horizons étaient présents, aucun ne devait être vraiment satisfait. Du côté religieux, on comprend un peu la notion de blasphème (portables qui sonnent, jeunes filles presque dénudées, va et vient, boucan), du côté de la jeunesse, on comprend que ce soit pas complètement le délire teuf, mais mine de rien la cathédrale était presque pleine, pas bondée toutefois, et ce jusqu’à la fin. Environ 2000 personnes ? possible.
Même si tout le monde ne pouvait être satisfait, la mission recherchée était atteinte. Une rencontre au sommet entre l’aujourd’hui et la foi, en rappelant que tous les intervenants ont agi gratuitement.
Une quête a servi à récolter de l’argent pour l’opération du cœur d’un petit vietnamien, et on était heureux d’y participer. L’originalité était de 100 %, et force était de reconnaître que quelque chose se passait. Quelque chose de beau, de grand, d’étrange, et pour s’en persuader il suffisait de lever les yeux vers les voûtes majestueuses du plafond et de se laisser émerveiller pour de bon, au milieu des danseurs heureux.
Si Dieu a voulu la diversité, il en avait ce soir là un exemple concret.