Radiohead - OK COMPUTER - 1997.
Publié : 29 juin 2005, 16:19
Radiohead
OK COMPUTER
1997
Quel groupe a marqué les années 90 de son empreinte ? Massive Attack ? Nirvana ? ... Ces deux très grands groupes ont marqué le début des années 90. OK COMPUTER est le disque qui enfoncera le clou des années 90, qui ouvrira plein de pistes.
Chaque fin de siècle a été l'occasion pour les gens normaux d'avoir peur, de voir de vieilles superstitions se réveiller. Chaque fin de siècle a vu une véritable effervescence artistique, dans tous les domaines. Le passage des années 90 aux années 2000 est plus qu'un simple changement de siècle : il y a eu changement de millénaire en 2001, et le cap symbolique de l'an 2000. OK COMPUTER est plus qu'un disque, c'est le témoignage d'une époque, un document historique. A la fin des années 90, on a pu voir que plein de gens ont enterré des capsules dans leur jardin avec des objets de leur époque, à destination de leurs descendants (dans l'hypothèse ou la terre n'a pas pêté d'ici vingt ans... le Pape est mort, Raignier est mort, Charles se marie, c'est la fin du monde). OK COMPUTER est l'une de ces capsules, et plutôt que de condenser dans une petite boîte des objets cultes des années 90 (des pogs, des cartes pokemon, un processeur Pentium...), le groupe Radiohead y a précieusement entreposé les émotions et les sentiments que tout être humain qui possède une âme a ressenti.
Présentation rapide de Radiohead. Radiohead au tout début des années 90 est le groupe qui a fait un tube : CREEP. Puis Radiohead a sorti un deuxième très bel album, THE BENDS, qui se concluait sur le bouleversant STREET SPIRIT (FADE OUT). On pouvait raisonnablement espérer que ce groupe sortirait de bonnes choses à l'avenir au vu de l'immense potentiel révélé par THE BENDS. Mais qui aurait pu imaginer que...
Tout d'abord le livret d'OK COMPUTER. Réalisé par Stanley Donwood and The White Chocolate Farm. La pochette est très jolie, voire ancrée dans notre inconscient collectif. Elle renvoie à Massive Attack (le logo sur la droite). Pourtant elle n'est pas facilement identifiable. Nirvana ? Ah oui, le groupe avec le bébé... Massive Attack ? Le scarabé et le logo... Daft Punk ? La veste de satin... OK COMPUTER ? Hum... Les tâches blanches ? L'autoroute et les enfants disparus ?
Le livret recèle de secret et de messages cachés, de dessins cachés. On devine sous une couche de tippex les paroles de STREET SPIRIT de l'album précédent Immerse your soul in love, comme si une époque s'achevait, que quelque chose était masqué par les immondices.
Diverses phrases en exergue de la musique :
I like you.
I like you. you are a wonderful person. I'm full of enthusiasm. I'm going places. I'll be happy to help you.
I am an important person. Would you like to come home with me ?
1421421**airbag
AIRBAG est le morceau qui ouvre l'album. Aurait pu s'appeler LAST NIGHT AN AIRBAG SAVED MY LIVE. Les premières secondes du morceau évoquent fatalement une voiture qui met le contact, pourtant c'est bien une guitare qui joue. Et sur un rythme déconstruit, le morceau se déroule. Hyper sonique (guitares saturés, solos apocalyptiques, basse aérée). Un morceau terriblement joyeux : le narrateur nous apprend qu'il vient d'échapper à un accident de voiture, et que désormais il emploiera sa vie à sauver les autres. In a fast German car, I'm amazed I've survived : an airbag saved my live.... Ce morceau fait état d'une prise de conscience, de la sortie d'un rêve. Cette prise de conscience est à l'origine de la suite : le narrateur perçoit désormais le monde d'une façon différente, plus aware comme le dirait notre Jean-Claude.
La première prise de conscience, c'est...
7yuc zhd2**paranoid android.
Quatre bips électroniques.
Ce morceau est comparé à BOHEMIAM RHAPSODY de Queen (rien que ça). Oui, parce que ça part dans tous les sens : des fois c'est calme, d'autres fois non. Bon à part ça ça.
Ce morceau est une fusée construite par les ingénieurs de la NASA. Un chef-d'oeuvre, et je pèse mes mots. Pourquoi tant de beauté sur un seul morceau, comment est-ce possible ???
Le morceau commence par des arpèges de guitare sèche, sur une rythmique démente. Oh bien sûr, c'est du quatre temps. Mais si sur AIRBAG la rytmique (quatre temps aussi) était géniale aussi, ici elle franchit un nouveau pallier. Le batteur fait vraiment preuve d'imagination pour rythmer tout ça, sans forcer le trait.
Les arpèges de guitare sèche sont soulignées de quelques notes de guitares électriques. Le morceau se construit, devient à chaque seconde plus élaboré. Et soudain un accord monstrueux de Telecaster, le chanteur se met presque à hurler, et le morceau rentre dans une autre dimension : peur, paranoïa, haine, rage, colère, désespoir.
La rythmique. On se rend compte qu'il se passe quelque chose de bizarre dans ce morceau. Ce n'est qu'en le jouant au piano que j'ai réalise que certaines mesures étaient constituées de sept croches !!! Ce qui aurait pu rendre le morceau incroyablement peu fluide et compliqué, mais le génie du groupe est de ne pas soumettre la mélodie aux canons habituels et de la laisser suivre son cours, si bien que ces mesures de sept temps passent inaperçus lors de l'écoute du disque, à peine ressent-on une légère accélération.
Jonny Greenwood gratifie la chanson de solos extraordinaires, et puis le morceau devient calme, funèbre, désespéré, avant d'être emmené dans des sphères incroyables sur la fin.
Ce morceau a fait l'objet d'un single et d'un clip. Succès populaire, comme quoi, exigence artistique peut se confondre avec succès populaire.
dxoigmn**subterranean homesick alien/.
Ce morceau est d'une beauté confondante (putain mes formules...). Des sons très aquatiques. Rythmique bluesy, groovy : trois temps. Le batteur fait vraiment preuve d'inventivité, et de discrétion. Aucune esbrouffe, juste il met le groove en valeur. Sons aquatiques car Fender Rhodes. Les paroles ? Le narrateur rêve de se faire kidnapper par des extraterrestres. Le refrain est de toute beauté, ce morceau me fait rêver.
sddksuhvs**exit music (for a film)
L'acteur culte des années 90 est certainement Leonardo di Caprio. TITANIC, ROMEO & JULIETTE. Au collège, aucun mec ne rivalisait avec ce mec, du coup au collège, je n'ai pas touché à foule de nanas... Cette chanson fut écrite pour le film ROMEO+JULIET de Baz Lhurman.
A vous glacer le sang. Ca commence comme une ballade acoustique. Juste une guitare sèche, la voix de Thom Yorke. Il faut savoir que la plus grande partie du disque a été enregistrée dans un château hanté perdu dans la campagne anglaise (vraiment). Et donc la chanson avance, il est question de se préparer à partir (en gros : de prendre du poison). Le Mellotron (un synthé) est sublime, quelques notes de ride cymbal, soudain... Le blitz : un roulement de batterie terrifiant, et Colin Greenwood nous lâche une basse qui retentira encore quelques siècles dans toutes les mémoires d'homme. Une basse tout simplement horrible, déchirante. Le batteur est là derrière qui épaule le tout, ce morceau est proprement bouleversant. Je ne connais personne qui n'a pas eu le coeur brisé en entendant ça. Et le morceau se termine comme il avait commencé, dans le dépouillement le plus total.
i7yci7cyi**let down.
Musicalement, on est ici en des terres plus apaisées. Beaucoup de lignes musicales se superposent les unes aux autres à mesure que la chanson se développe, s'entrelacent, s'emmêlent, fusionnent. Plusieurs lignes de chants. Un morceau très difficile à interprêter sur scène. Beaucoup d'émotions, mais une touche d'espoir tout de même. Le narrateur parle de la vacuité du quotidien et des tentations que l'on peut avoir de tout laisser tomber. Ce disque est si joyeux.
karma police**??id6890
Le tube de l'album. Les fans hardcore du groupe renient cette chanson. Trop jouée en concert, trop diffusée à la télé ou à la radio. C'est un tort. Où l'on oublie à quel point cette chanson est superbe. Mélodiquement, c'est magnifique. Les textes sont assassins, fantastiques. Orwell est convoqué, et sa vision prophétique de 1984 se trouve ici concrétisée sous la plus belle forme qui soit. On oublie à quelle point cette chanson est belle, la parfaite chanson pop. Couplet refrain couplet refrain break, final démentiel. Toutes ces ruptures, ces instants apaisés, les paroles pleine de haine (This is what you get, when you mess with us...). Et soudain à la fin, comme sur AIRBAG, le narrateur se réveille et réalise ce qui se passe et la chanson est portée aux nues dans un superbe passage aérien. Le morceau se termine sur un triste et ténébreux accord de piano.
fitter happier est un morceau de transition. Un logiciel lit des mots, une sorte de cheklist à laquelle on devrait se référer chaque matin. Le contraste avec la voix de Thom Yorke (si humaine) est saisissant. Le robot qui parle évoque HAL 2000, le héros de Kubrick de 2001. Et comme HAL, de cet androïde complètement désincarné pourtant sourd une émotion, née du décalage. Derrière, un piano hanté, des violons tragiques. Une transition incroyablement glauque.
yyyyhngbgyhntthy xgdf**electioneering
Guitares stridentes, hurlantes, folie. Un morceau un peu politique, très bref, très rock. Extrêmement bruyant, mais super bien écrit, super solo de guitare de Jonny Greenwood. Là encore beaucoup d'émotion et d'hystérie.
gg yhf**climbing up the walls
Une longue montée dans l'horreur. Le narrateur est cette fois un serial-killer qui guette sa victime, et qui prend un malin plaisir à la terroriser. Le mythe Hannibal Lecter (méchant culte des années 90) mis en musique. Un morceau franchement terrifiant, en particulier les dernières notes de violon, toutes décalées d'un quart de ton, ce qui donne mal au ventre quand on l'écoute.
ocmocmocmk**no surprises.
L'autre tube du disque. Sur une mélodie incroyablement (célèbre) plein de naïveté, quelque chose de pur, le narrateur (qui n'est autre que le personnage principal du livre de 1984 : les maux de ventre, démolir le gouvernement, la maison...) nous parle de son intention d'en finir. Là encore le décalage entre les paroles si dures (I'll take a quiet life, a handshake, some carbon monoxyde) et la mélodie si pure (la fa do fa...).
lucky**waster
Ce morceau fut initialement enregistrée pour une association caritative. Un morceau très pink floydien (le solo de Greenwood dans les refrains, très David Gilmour). Un morceau vraiment déchirant. Le mec qui a porté cette chanson en lui tant d'années... Putain, mais comment il a pu vivre avec ça en lui ? Ca a du lui faire du bien de la sortir. Sublime.
**the tourist . 523654357374743743747333764375697569700
Une longue ballade écrite par Jonny Greenwood, très calme, jazzy. Un jeu de miroirs rythmiques et mélodiques. Rythmes et mélodies se renversent. Un morceau très très compliqué à tous les points de vue. Jonny Greenwood a vraiment le cerveau tordu (il le prouvera par la suite avec LIFE IN A GLASSHOUSE et BODYSONG), et cette chanson conclue magnifiquement l'album sur une touche de...