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Les Particules Elementaires [roman]

Publié : 23 mars 2006, 22:10
par Protos
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Les Particules Élémentaires, de Michel Houellbecq.

Je ne vais pas en faire une critique pompeuse, c'est certainement l'un des ouvrages les plus célèbres de la littérature française contemporaine, traduit dans de multiples langues, ce roman a fait de son auteur l'un des écrivains phares de notre siècle. Je vais plutôt donner mes impressions, sans détours ni faux-semblants.

Un livre sans tabous
Il faut prévenir les jeunes lecteurs : ce livre est un livre d'adultes, la vision qui y est décrite est à l'opposée de la mièvrerie télévisuelle star-académicienne. C'est du réel, brut, sans complexes. Le sexe y est décrit comme on décrirait un brossage de dents, de même que le malaise social, la vie urbaine, la mort et la folie. De plus l'action se situe en grande partie en France : c'est une France dépravée, désillusionnée et sombre, presque moribonde, que nous décrit l'auteur.

L'histoire de deux frères
On pourrait presque le comparer à Une Vie, de Maupassant, si ce n'est qu'il n'est pas ici question de Jeanne, mais de Michel et Bruno, deux frères utérins, le premier devenu chercheur en biologie moléculaire, et le second, plus jeune, professeur de français dans des lycées de banlieues. Le roman retrace à partir des souvenirs des protagonistes, leurs jeunesses difficiles, faite de brimades dans les collèges miteux, de tortures dans les dortoirs non surveillés, et d'humiliations publiques. S'ensuit leurs histoires d'amour calamiteuses, d'une éducation parentale inexistante, et de facilitée d'études scolaires pour aboutir à des personnages vides, dans le sens psychologique, sans croyances, ni philosophie. Un vide béant, que le savant comblera par ses recherches et théories moléculaires, et le professeur par une recherche constante de plaisirs sexuels.

L'histoire de notre époque
L'action se déroule pile-poile à notre époque. Elle commence vers la fin des années 70, jusqu'au début des années 2000 (et un peu plus). On y rencontrera les survivants de l'époque peace-and-love, devenus de vieux pervers de sectes communautaires, ou plutôt, de baisodromes pour cadres en manque de « spiritualités » orientales. La montée de l'extrême droite en France y est aussi décrite, sans parler des ses effets pervers. On y découvre aussi le vide profond ressentit à partir d'un certain âge, différent du spleen car se rapprochant plutôt de l'ennui total. Cette quête incessante de raison de vivre, d'amour et de croire en ses rêves de jeunesses. Et par comparaison, ce ressentiment est proche de celui de L'insoutenable légèreté de l'être, de Kundera : une désillusion moderne manquant cruellement d'idéaux.

Un pessimisme à outrance
Il y a une limite entre le réalisme et le cynisme ; ce roman se situe clairement dans le second. On peut décrire de façon réaliste le monde urbain, sans pour autant faire référence à la mort à chaque fin de paragraphe. Par exemple, une soirée en discothèque ne se termine pas forcément par le remise en question de soi dans le monde et sur la décadence de l'humanité. La vision du roman est proche de celle de Cioran, pour lequel l'humanité disparaîtra d'elle-même. Un mélange entre Cioran et Kant, pour lequel l'espace et le temps ne sont que des illusions de notre système de pensée, des concepts de notre raison.
Je vois mal un dépressif regagner de l'entrain en lisant des lignes du genre « le foetus n'avait que deux semaines, il suffisait d'une aspiration rapide ». C'est pourtant tiré du livre, et tout le livre est du même ton. En même temps, ça exprime un certain cynisme scientifique qui est toujours d'actualité, et serait incontrôlable sans codes de déontologie.

Une fiction surréaliste

Cependant, l'histoire est savamment menée, et le style d'écriture est limpide. On prend plaisir à le lire ; ses références culturelles et scientifiques sont à la fois nombreuses et pertinentes. Les amateurs de sciences-fictions ne seront pas lésés par sa fin surréaliste, où l'on perçoit l'influence de Lovecraft sur l'auteur, et dans laquelle le titre du livre prend tout son sens premier (à vrai dire, il en a aussi un second dans ce roman). Un livre étonnant, riche et moderne. Ça me fait penser à ces oeuvres destructurées et dénudés des musées d'art moderne où l'accent est mis sur l'impression et la remise en question.





Les Particules Élémentaires, de Michel Houellbecq,
Collection Nouvelle génération, aux éditions J'ai lu, diffusé par Flammarion.
316 pages, 6.80 .
Ce livre reçu le prix Novembre 1998
.




Protos, pour Krinein International.

Les Particules Elementaires [roman]

Publié : 23 mars 2006, 22:54
par Veterini
Je l'ai pas fini en fait (vive Pennac). A cause que :
Protos a écrit : L'histoire de notre époque
L'action se déroule pile-poile à notre époque. Elle commence vers la fin des années 70, jusqu'au début des années 2000 (et un peu plus).

Bah justement c'est pas trop mon époque les années 70, et là, la mélancolie de vieux soixante-huitard c'est d'un ennuie.
Mais, bon faudra que je le reprenne un jour, ne serais-ce que pour la fin "Lovercratienne " ?

(J'aurais cru l'extension du domaine de la lutte était plus connu, en tout cas celui-là je l'avais bien aimé du début a la fin.)

Les Particules Elementaires [roman]

Publié : 24 mars 2006, 12:37
par Protos
C'est surtout qu'à un moment Bruno se trouve dans un camping de vieux soixant-huitards. Mais l'action est quand même dans notre époque, je veux dire, ils existent encore les soixante-huitards, ce n'est pas un mythe. Quand aux jeunes actuels, ils sont bien décrit aussi, même si ce n'est qu'anectotique.
Et le fond concerne tout le monde, en fait. Mais bon, t'es pas obligé de le lire ; en général, quand on ne termine pas un bouquin, on est pas près de le reprendre. :bwehe: