Azur et Asmar
Publié : 09 novembre 2006, 23:01
Après avoir esquissé les silhouettes de contes traditionnels sans frontière dans son théâtre dombres Princes et Princesses, après avoir émerveillé et ébloui un public large et varié avec son surprenant Kirikou et la Sorcière, Michel Ocelot était revenu, en 2005, donner une suite aux aventures du petit bonhomme « qui senfante tout seul » dans Kirikou et les bêtes sauvages.
Michel Ocelot sest plongé cette fois-ci dans un nouvel univers, bien différent de lAfrique où trottine Kirikou, mais qui lui ressemble à de nombreux points de vue. Le parcours initiatique cher aux contes traditionnels et légendes illustrés par Michel Ocelot nest plus mené par un seul personnage significatif, mais deux : les éponymes Azur et Asmar.
Azur est un enfant blond, au teint de porcelaine, et ses yeux bleus rivalisent avec la limpidité des gouttes de rosée. Fils dun riche châtelain occidental, et nayant pas de Maman, il est élevé et chéri par sa nourrice, dont la peau ambrée et les yeux sombres ont été distillés avec le même éclat que ceux de son fils naturel, Asmar, qui lui na pas de Papa.
Les deux enfants grandissent ensemble, partageant lamour, la langue, la culture, les histoires et légendes de leur Maman, nourrice, ainsi que leur berceau déducation commun, dun côté de la mer. Ils se promettent de partir chacun, plus tard, de lautre côté de la mer, en quête de la fée des Djinns dont leur a tellement parlé Maman/ Nourrice.
Mais lorsqu Azur atteint lâge de sinstruire, son père renvoie la nourrice et Asmar vers des horizons inconnus, privant ainsi brutalement Azur de son cocon rassurant.
Devenus adultes, leurs chemins se croisent comme ils se létaient promis dans leur fameuse quête de la fée des Djinns, où à travers des épreuves colorées et périlleuses, se révèle une rivalité naturelle et fraternelle doublée de quelques questionnements identitaires.
Par son extraordinaire maîtrise technique, Azur et Asmar marque lesprit d' une personnalité visuelle aussi forte, singulière et enchanteresse que celle des Kirikou.
La grande innovation par rapport à ses prédécesseurs, est lusage exclusif de la 3D, utilisée de manière tellement différente de celle de ses contemporains, que lil est presque dérouté.
Le moindre des éléments de décor oriental est finement détaillé. Quil sagisse des mosaïques, céramiques ou carrelages au motif fleuri et ciselé, de la végétation luxuriante, sauvage ou panachée, aussi proche dun Douanier-Rousseau que dans Kirikou, ou que lon se fixe quelques instants sur les regards très expressifs car parties intégrantes de lintrigue, tout cela reflète une émouvante authenticité, tout en laissant à chaque plan un arrière-goût dillustration pure.
Le déploiement audacieux de couleurs et le foisonnement baroque pouvait aisément frôler lindigestion. Et pourtant, léquilibre de la composition picturale réside dans lalternance des arabesques fleuris avec de simples aplats de couleurs, très judicieux, pour les costumes. Le regard est flatté comme sil effectuait lui-même un voyage et sabreuvait de surprise à chaque plan : la forêt de palmiers, le marché aux mille épices, le palais de la princesse, la grotte de la fée des Djinns
Ce qui caractérise aussi ce travail très personnel, outre son apparente minutie, cest la verticalité des éléments et la presque rigidité des personnages.
Les personnages de Kirikou éveillaient déjà, par leur maintien droit et leur morphologie loin des conventions cartoonesques, un calme et une sérénité revendiqués.
Azur et Asmar sont, malgré leurs débordement enfantins et leurs faiblesses dadultes, lincarnation juste dune sagesse que justifie le message. La finesse de leurs traits et expressions inspirent lécoute et le respect. Sans pourtant que ceci soit dénué dhumour.
Le regret que lon pourrait avoir, serait le systématisme dune composition peut-être un peu trop classique, avec des plans symétriques et aussi verticaux que les personnages. Mais cette géométrie parfaite rime justement avec la semi-perfection des détails, et semble être un parti pris de longue date par Michel Ocelot. Et cette symétrie est contrebalancée par la floraison de couleurs et lépanchement de motifs orientaux.
Comme il lavait déjà démontré dans Kirikou et la sorcière, Michel Ocelot semble à nouveau vouloir, avec ce magnifique tableau vivant, rendre hommage à une culture, une tradition, et une communauté entière, sans même la nommer. Le message est limpide, et prône des valeurs universelles, mais loin dun discours pesant, démagogique et simpliste, il sadresse avant tout aux enfants et atteint dune même flèche les adultes qui les accompagnent.
Là où le propos pouvait paraître prévisible et réducteur, la trame principale et le dénouement de lhistoire sont menés avec une grande subtilité, surtout visuelle. Ce qui aurait pu être reproché à un Walt Disney traitant du même thème, est ici esquivé avec finesse parce quon ne tombe jamais dans des dualités manichéennes. Les préjugés et les superstitions sont reprouvés de la même manière de part et dautre de la mer.
Comme dans Kirikou, la crédibilité du propos est également portée par un doublage de qualité, faisant appel à un casting cosmopolite et rendant justice aux communautés dépeintes. La voix du personnage de Crapou, figure burlesque et attachante, est celle dun Patrick Timsit qui gagnerait toutefois à en faire un peu moins. Mais dans lensemble, la diction est claire et efficace.
Et pour finir, la grande qualité dAzur et Asmar, outre son atmosphère visuelle singulière et envoûtante, est sa manière très didactique de transmettre des valeurs simples et à la fois complexes. La trame narrative nest pas plus développée quun conte initiatique classique, les personnages, bien que simples à cerner, ne sont pas outrageusement caricaturés, et reflètent une réalité à laquelle nous faisons face constamment : le brassage et le partage des cultures. Qui suis-je ? Le pays où je suis né ou celui doù vient mes parents ? Quelles sont ma langue et ma culture, maternelle ou dadoption ? Un regard pédagogique quelque peu déformé me pousse à envisager ce film comme le départ dune réelle réflexion avec des enfants. Qui peut se poursuivre sur une découverte dartistes dont Michel Ocelot sest ostensiblement inspirés, et un travail pictural très riche et accessible à tous les âges.
Pour moi, ce dernier né de Michel Ocelot est un très belle surprise, subtile et délicate, porteuse de sens et de plaisir, et que je recommande chaleureusement à tous les publics.
Michel Ocelot sest plongé cette fois-ci dans un nouvel univers, bien différent de lAfrique où trottine Kirikou, mais qui lui ressemble à de nombreux points de vue. Le parcours initiatique cher aux contes traditionnels et légendes illustrés par Michel Ocelot nest plus mené par un seul personnage significatif, mais deux : les éponymes Azur et Asmar.
Azur est un enfant blond, au teint de porcelaine, et ses yeux bleus rivalisent avec la limpidité des gouttes de rosée. Fils dun riche châtelain occidental, et nayant pas de Maman, il est élevé et chéri par sa nourrice, dont la peau ambrée et les yeux sombres ont été distillés avec le même éclat que ceux de son fils naturel, Asmar, qui lui na pas de Papa.
Les deux enfants grandissent ensemble, partageant lamour, la langue, la culture, les histoires et légendes de leur Maman, nourrice, ainsi que leur berceau déducation commun, dun côté de la mer. Ils se promettent de partir chacun, plus tard, de lautre côté de la mer, en quête de la fée des Djinns dont leur a tellement parlé Maman/ Nourrice.
Mais lorsqu Azur atteint lâge de sinstruire, son père renvoie la nourrice et Asmar vers des horizons inconnus, privant ainsi brutalement Azur de son cocon rassurant.
Devenus adultes, leurs chemins se croisent comme ils se létaient promis dans leur fameuse quête de la fée des Djinns, où à travers des épreuves colorées et périlleuses, se révèle une rivalité naturelle et fraternelle doublée de quelques questionnements identitaires.
Par son extraordinaire maîtrise technique, Azur et Asmar marque lesprit d' une personnalité visuelle aussi forte, singulière et enchanteresse que celle des Kirikou.
La grande innovation par rapport à ses prédécesseurs, est lusage exclusif de la 3D, utilisée de manière tellement différente de celle de ses contemporains, que lil est presque dérouté.
Le moindre des éléments de décor oriental est finement détaillé. Quil sagisse des mosaïques, céramiques ou carrelages au motif fleuri et ciselé, de la végétation luxuriante, sauvage ou panachée, aussi proche dun Douanier-Rousseau que dans Kirikou, ou que lon se fixe quelques instants sur les regards très expressifs car parties intégrantes de lintrigue, tout cela reflète une émouvante authenticité, tout en laissant à chaque plan un arrière-goût dillustration pure.
Le déploiement audacieux de couleurs et le foisonnement baroque pouvait aisément frôler lindigestion. Et pourtant, léquilibre de la composition picturale réside dans lalternance des arabesques fleuris avec de simples aplats de couleurs, très judicieux, pour les costumes. Le regard est flatté comme sil effectuait lui-même un voyage et sabreuvait de surprise à chaque plan : la forêt de palmiers, le marché aux mille épices, le palais de la princesse, la grotte de la fée des Djinns
Ce qui caractérise aussi ce travail très personnel, outre son apparente minutie, cest la verticalité des éléments et la presque rigidité des personnages.
Les personnages de Kirikou éveillaient déjà, par leur maintien droit et leur morphologie loin des conventions cartoonesques, un calme et une sérénité revendiqués.
Azur et Asmar sont, malgré leurs débordement enfantins et leurs faiblesses dadultes, lincarnation juste dune sagesse que justifie le message. La finesse de leurs traits et expressions inspirent lécoute et le respect. Sans pourtant que ceci soit dénué dhumour.
Le regret que lon pourrait avoir, serait le systématisme dune composition peut-être un peu trop classique, avec des plans symétriques et aussi verticaux que les personnages. Mais cette géométrie parfaite rime justement avec la semi-perfection des détails, et semble être un parti pris de longue date par Michel Ocelot. Et cette symétrie est contrebalancée par la floraison de couleurs et lépanchement de motifs orientaux.
Comme il lavait déjà démontré dans Kirikou et la sorcière, Michel Ocelot semble à nouveau vouloir, avec ce magnifique tableau vivant, rendre hommage à une culture, une tradition, et une communauté entière, sans même la nommer. Le message est limpide, et prône des valeurs universelles, mais loin dun discours pesant, démagogique et simpliste, il sadresse avant tout aux enfants et atteint dune même flèche les adultes qui les accompagnent.
Là où le propos pouvait paraître prévisible et réducteur, la trame principale et le dénouement de lhistoire sont menés avec une grande subtilité, surtout visuelle. Ce qui aurait pu être reproché à un Walt Disney traitant du même thème, est ici esquivé avec finesse parce quon ne tombe jamais dans des dualités manichéennes. Les préjugés et les superstitions sont reprouvés de la même manière de part et dautre de la mer.
Comme dans Kirikou, la crédibilité du propos est également portée par un doublage de qualité, faisant appel à un casting cosmopolite et rendant justice aux communautés dépeintes. La voix du personnage de Crapou, figure burlesque et attachante, est celle dun Patrick Timsit qui gagnerait toutefois à en faire un peu moins. Mais dans lensemble, la diction est claire et efficace.
Et pour finir, la grande qualité dAzur et Asmar, outre son atmosphère visuelle singulière et envoûtante, est sa manière très didactique de transmettre des valeurs simples et à la fois complexes. La trame narrative nest pas plus développée quun conte initiatique classique, les personnages, bien que simples à cerner, ne sont pas outrageusement caricaturés, et reflètent une réalité à laquelle nous faisons face constamment : le brassage et le partage des cultures. Qui suis-je ? Le pays où je suis né ou celui doù vient mes parents ? Quelles sont ma langue et ma culture, maternelle ou dadoption ? Un regard pédagogique quelque peu déformé me pousse à envisager ce film comme le départ dune réelle réflexion avec des enfants. Qui peut se poursuivre sur une découverte dartistes dont Michel Ocelot sest ostensiblement inspirés, et un travail pictural très riche et accessible à tous les âges.
Pour moi, ce dernier né de Michel Ocelot est un très belle surprise, subtile et délicate, porteuse de sens et de plaisir, et que je recommande chaleureusement à tous les publics.