[Expos] Sabhan Adam, Dans la nuit du temps
Publié : 09 mai 2007, 20:46
Sabhan Adam a 35 ans. C'est par le plus grand des hasards, en me promenant dans le Marais, que j'ai découvert l'exposition qui lui est consacrée. Ou plutôt, les expositions.
Quatre moments, quatre lieux: "Sabhan Adam, Dans la nuit du temps" annonce la plaquette.
Si l'on ne fait pas secret des quatre lieux -il s'agit de la Collégiale Saint-Pierre-la-Cour au Mans, des galeries parisiennes Meyer-Le Bihan et Idées d'Artistes et bientôt l'Espace culturel André Malraux du Kremlin Bicêtre- qui l'exposent simultanément, le titre "Dans la nuit du temps" est bien plus intriguant.
[img]http://www.idartists.com/photos/expos/carton_expo42.jpg" alt="carton_expo42.jpg" />
Des titres d'expositon ronflants, pseudo-hiératiques et censés nous délivrer la clef de compréhension d'une oeuvre, j'en ai vu des myriades, pas moins.
Seulement ce qui est frappant, c'est qu'ici ne prennent place que des portraits. Des portraits dénaturés, inquiétants, sombres... mais bien des portraits. Quid de "la nuit du temps" ?
Tous semblent se ressembler et diffèrent pourtant, comme autant de variations d'un même thème joué inlassablement.
Une toile. Une toile... de tente?
Des corps figés: parfois humanoïdes, d'autres fois animaux...
Parfois quelques taches colorés -encre et acrylique- qui contrastent d'autant plus avec cet arrière-plan terne. Des fluides: du sang, du sperme.
Et une tête, comme crayonnée d'un trait charbonneux, sale, désagréablement humaine tout en ne l'étant pas.
C'est qu'il ne s'agit pas seulement des deux paires d'yeux qu'on voit parfois, des traits tirés et burinés comme une gravure -et certainement pas de mode, des formes trop bouffies ou creusées et rognées, de ces traits hybrides.
Non, c'est surtout ce vide terrible dans les yeux.
Un sentiment d'abandon, un aspect terne, comme vidé de tout sentiment.
En fouinant dans le dossier de presse, je trouve un article consacré au "Regard mystère chez Adam": http://www.gmlb.fr/Comm-press/adam/presse/08.jpg
Je me sens moins seul. C'est que, confronté à toutes ces figures, on est comme oppressé.
Elles sont nombreuses, toujours proches plastiquement, figurant une obsession.
Ils le présentent de la manière suivante:
"Artiste saturnien, cest cependant dans la lignée de lEspagnol Goya, de lAutrichien Schiele ou de lAméricain Pollock que ce jeune peintre syrien dessine, depuis vingt-deux ans, des corps contraints et des visages marqués.
Tremblantes ou guillochées, les lignes qui les cernent et en animent les faces incarnent lusure, lépreuve. Les taches dencre, les épaisseurs de peinture et les éclaboussures de couleur mises à contribution, pour auréoler ou voiler ces êtres, contribuent à lélaboration détonnants portraits, simultanément horribles et splendides (...)"
C'est vrai qu'il y a un peu des autoportraits de Schiele, ce coup de crayon qui ne s'aime pas, mais surtout très cru.
On peut ranger Sabhan Adam dans le vaste fourre-tout du néo-expressionisme. Les portraits tatant de la limite avec l'humanité, l'alterité, y sont fréquents.
Mais là où il se distingue, c'est par ce silence pictural si je puis m'exprimer ainsi: les personnages de Nitkowsky hurlent de rage et de peur à la fois, ceux de Miralles sont brouillés dans un flou esthétique, nous sont étrangers; et puis aux déformations de Bacon, évidemment.
Alors que chez lui, il y a des personnages dérangeants mais qui n'expriment rien. Et qui nous renvoient à notre propre réaction en face de leur corps. A cette envie de filer à l'anglaise plutôt que d'être heurté. Au fait que c'est notre réaction qui en fait des monstres, peut-être aussi ?
Si l'on rajoute à cela que quelques uns sont mis en scène sous la forme de victime, ligaturés et saignants, on comprend sans peine l'atmosphère perturbante qui se dégage.
Oh, pas tout de suite. Et même pas forcément: j'imagine qu'il doit être aisé de laisser son regard glisser sur ces oeuvres, n'y rien voir que de laid, et repasser la porte. Comme lorsqu'on préfère détourner les yeux de toute misère plutôt que d'être touchée par elle.
Mais pour peu qu'on se prenne au jeu, le regard glisse imperceptiblement vers leurs têtes.
La seule chose expressive physiquement, travaillée, et si, si atone.
Définitivement, si devais mettre un mot et un seul sur ces portraits, je les qualifierai de tronqués.
Tronqués car, la seule chose qui semble leur est rajoutée c'est de la bestialité (des appendices, des traits torturés, ...); et la seule chose qui semble leur être enlevée, leur humanité.
Ils n'ont plus la capacité d'exprimer quelque chose par eux-même, figés dans leurs draps colorés.
Quatre moments, quatre lieux: "Sabhan Adam, Dans la nuit du temps" annonce la plaquette.
Si l'on ne fait pas secret des quatre lieux -il s'agit de la Collégiale Saint-Pierre-la-Cour au Mans, des galeries parisiennes Meyer-Le Bihan et Idées d'Artistes et bientôt l'Espace culturel André Malraux du Kremlin Bicêtre- qui l'exposent simultanément, le titre "Dans la nuit du temps" est bien plus intriguant.
[img]http://www.idartists.com/photos/expos/carton_expo42.jpg" alt="carton_expo42.jpg" />
Des titres d'expositon ronflants, pseudo-hiératiques et censés nous délivrer la clef de compréhension d'une oeuvre, j'en ai vu des myriades, pas moins.
Seulement ce qui est frappant, c'est qu'ici ne prennent place que des portraits. Des portraits dénaturés, inquiétants, sombres... mais bien des portraits. Quid de "la nuit du temps" ?
Tous semblent se ressembler et diffèrent pourtant, comme autant de variations d'un même thème joué inlassablement.
Une toile. Une toile... de tente?
Des corps figés: parfois humanoïdes, d'autres fois animaux...
Parfois quelques taches colorés -encre et acrylique- qui contrastent d'autant plus avec cet arrière-plan terne. Des fluides: du sang, du sperme.
Et une tête, comme crayonnée d'un trait charbonneux, sale, désagréablement humaine tout en ne l'étant pas.
C'est qu'il ne s'agit pas seulement des deux paires d'yeux qu'on voit parfois, des traits tirés et burinés comme une gravure -et certainement pas de mode, des formes trop bouffies ou creusées et rognées, de ces traits hybrides.
Non, c'est surtout ce vide terrible dans les yeux.
Un sentiment d'abandon, un aspect terne, comme vidé de tout sentiment.
En fouinant dans le dossier de presse, je trouve un article consacré au "Regard mystère chez Adam": http://www.gmlb.fr/Comm-press/adam/presse/08.jpg
Je me sens moins seul. C'est que, confronté à toutes ces figures, on est comme oppressé.
Elles sont nombreuses, toujours proches plastiquement, figurant une obsession.
Ils le présentent de la manière suivante:
"Artiste saturnien, cest cependant dans la lignée de lEspagnol Goya, de lAutrichien Schiele ou de lAméricain Pollock que ce jeune peintre syrien dessine, depuis vingt-deux ans, des corps contraints et des visages marqués.
Tremblantes ou guillochées, les lignes qui les cernent et en animent les faces incarnent lusure, lépreuve. Les taches dencre, les épaisseurs de peinture et les éclaboussures de couleur mises à contribution, pour auréoler ou voiler ces êtres, contribuent à lélaboration détonnants portraits, simultanément horribles et splendides (...)"
C'est vrai qu'il y a un peu des autoportraits de Schiele, ce coup de crayon qui ne s'aime pas, mais surtout très cru.
On peut ranger Sabhan Adam dans le vaste fourre-tout du néo-expressionisme. Les portraits tatant de la limite avec l'humanité, l'alterité, y sont fréquents.
Mais là où il se distingue, c'est par ce silence pictural si je puis m'exprimer ainsi: les personnages de Nitkowsky hurlent de rage et de peur à la fois, ceux de Miralles sont brouillés dans un flou esthétique, nous sont étrangers; et puis aux déformations de Bacon, évidemment.
Alors que chez lui, il y a des personnages dérangeants mais qui n'expriment rien. Et qui nous renvoient à notre propre réaction en face de leur corps. A cette envie de filer à l'anglaise plutôt que d'être heurté. Au fait que c'est notre réaction qui en fait des monstres, peut-être aussi ?
Si l'on rajoute à cela que quelques uns sont mis en scène sous la forme de victime, ligaturés et saignants, on comprend sans peine l'atmosphère perturbante qui se dégage.
Oh, pas tout de suite. Et même pas forcément: j'imagine qu'il doit être aisé de laisser son regard glisser sur ces oeuvres, n'y rien voir que de laid, et repasser la porte. Comme lorsqu'on préfère détourner les yeux de toute misère plutôt que d'être touchée par elle.
Mais pour peu qu'on se prenne au jeu, le regard glisse imperceptiblement vers leurs têtes.
La seule chose expressive physiquement, travaillée, et si, si atone.
Définitivement, si devais mettre un mot et un seul sur ces portraits, je les qualifierai de tronqués.
Tronqués car, la seule chose qui semble leur est rajoutée c'est de la bestialité (des appendices, des traits torturés, ...); et la seule chose qui semble leur être enlevée, leur humanité.
Ils n'ont plus la capacité d'exprimer quelque chose par eux-même, figés dans leurs draps colorés.