The Thing (analyse du film)
Publié : 02 juin 2007, 19:29
Voici ici une analyse détaillée de cette oeuvre d'anthologie. Pour une lecture plus agréable (avec photos) n'hésitez pas à venir directement consulter l'article en question sur mon blogue.
http://radicarl.net/?p=130
The Thing
Dans le « remake » de The Thing de John Carpenter sorti en 1982, le monstre prend plusieurs dimensions de lhorreur que le cinéma peut propager. Dailleurs, ce monstre est vraisemblablement la pire entité menaçant lhumanité jamais inventée au cinéma. En effet, il savérerait probable que le monstre de The Thing mis en contact avec nimporte quel autre monstre de lunivers du cinéma lemporterait facilement sur celui-ci de par ses qualités dabsorption et dadaptation extra-ordinaires; or ses possibilités sont sans limites. Subséquemment, il est le pire cauchemar auquel pouvaient être confrontés les douze hommes isolés de lavant-poste 31 en Antarctique. De la sorte que dans cette incroyable épreuve pour la survie, il se déclenchera chez le téléspectateur les mécanismes essentiels du suspense et de lhorreur. Comment et lesquels exactement? Cest ce que janalyserai ici.
The Thing nous inquiète, nous déstabilise, nous alarme puis nous attaque fondamentalement quand nous constatons lampleur de la menace quil représente exactement. Il nest pas quun monstre sanguinaire suivant linéairement son instinct, mais plutôt une entité multidimensionnelle se propageant insidieusement dans une communauté humaine. Cet ennemi intérieur est invisible, vit en nous de nos capacités intellectuelles et détient le potentiel datteindre virtuellement lhumanité au complet il est le virus mortel contaminant une à une les cellules du corps humain. Nous assistons donc dans ce combat «immunitaire» à la lutte que mène la ligne de front pour la préservation de lintégrité humaine. Nous sommes donc liés virtuellement à ces scientifiques devenus dans les circonstances les soldats de notre identité. En nous défendant pour garder notre intégrité corporelle et identitaire, ils représentent notre dernier espoir, le dernier rempart pour endiguer le mal voulant se répandre jusquà nous. Or, le processus didentification fonctionne à merveille. (Fait à noter : en nétant confinée quà un rôle de téléspectateur, notre impuissance à aider nos frères de sang agit dans The Thing comme un catalyseur de suspense; nous navons aucun contrôle sur le destin de lhumanité).
Cependant, en imitant les formes de vie lorsquen présence de celles-ci, le monstre dans The Thing peut avoir lapparence totale de nimporte quel homme et devenir littéralement celui a qui il à volé lidentité. Cest dailleurs un viol absolu si lon considère laspect sexuel que jaborderai un peu plus tard. Le suspense repose donc ici sur une paranoïa grandissante, et la tension est à son comble quand nous constatons que lennemi est définitivement à lintérieur de nous. Cest lors de ce constat que lintrigue dramatique entre brillamment en jeu: qui est qui? Et en même temps, que sommes-nous une fois contaminé?Si il est normalement facile de se prémunir du mal en définissant le monstre par des traits différents, il nen est rien de tel avec celui dans The Thing qui camoufle son identité dans la notre. Comment alors reconnaître le monstre puisque celui-ci porte en surface lidentité de lhomme? Et donc aussi, comment se reconnaître entre intègres? La chose est donc sans identité définissable puisquelle imite la nôtre. Elle na pas de nom, elle est linnommable elle est nous. La question du moi est ici dimportance, ce nest certainement pas notre apparence, donc notre extérieur, qui constitue notre identité. (Dailleurs, la scène du test sanguin et celle du chien contaminé au milieu des autres chiens illustre à merveille le problème de la normalité au sein du groupe). Le moi comme le mal est donc insaisissable, croit-on le tenir quil est déjà ailleurs, déjà un autre. Ne serions-nous donc quune image, une représentation de laltérité? Le moi ne se connaît donc jamais. Nous devenons un autre par la contamination, notre identité nous échappe et la chose devient la parfaite assimilation de cette apparence qui nous constitue tout entier. Finalement, on en arrive tranquillement à sidentifier malgré nous à cet assaillant qui confond par tous ses masques notre identité à la sienne. On ne sait jamais qui est la chose terrée dans notre intérieur, mais pourtant si fondamentalement extérieure à notre monde et notre à nature. La question du mal se trouve tout entière ici, extérieure ou intérieure, de nous ou en nous? Ainsi, selon langle du film, une personne en soi est à la fois la normalité et le monstre puisque que chacun peut être le monstre ou normal aux yeux de lautre. La Chose est donc en sorte une forme dalter ego de lhomme.
En ce sens, The Thing est métaphorique, car il joue sur le thème de lincertitude de lhomme face à lhomme lui-même. Le problème de la confiance est donc abordé dans le film à maintes reprises. Le manque de confiance des gens envers leur identité et donc des intentions de leurs semblables génère les incertitudes, les paranoïas, les peurs et les conflits. De ce fait, il est intéressant de relater que le récit original ayant inspiré The Thing de John Carpenter, Who goes there, a été écrit au début des années 50, soit exactement pendant la chasse aux communistes provoquée par le sénateur républicain Joseph Mccarthy. À ce moment, la névrose collective des étasuniens était à son paroxysme et chacun soupçonnait son voisin davoir potentiellement des allégeances communistes (cela souvent sans même savoir de quoi il en était exactement du communisme). On peut donc soupçonner lécrivain John W. Campbell de sêtre servi de cet état desprit pour alimenter la peur de son monstre dans son récit Who goes there. Ainsi, le monstre dans The Thing pourrait très bien représenter la révolution, la menace contre la sérénité du système, mais aussi la destruction de la famille nucléaire patriarcale à cause dune idéologie alternative qui corrompt lidentité de ses membres. En détruisant la cellule communautaire par lintérieur, The Thing nous démontre aussi que notre société sappuyant sur la famille ne tient que sur des petites brindilles à la merci de forces pouvant les couper sans trop de difficultés. Le groupe uni à lorigine comme les cellules du corps peut se scinder devant le danger et se retrancher dans lisolement. De plus, le film illustre lidée que nous ne pouvons séparer lhumain de ses instincts primaires et bestiaux. Dans The Thing, les repères instituant la civilisation explosent face à ladversité, et chaque être humain retourne dans une sorte détat primitif ne comptant plus que sur son instinct de conservation pour survivre en tant quindividu.
La survivance de lindividu et la perpétuation de lespèce sont des caractéristiques de toute forme de vie. Mais la chose est elle vraiment vivante? Pour y répondre, puisque la nature de la chose demeure en grand parti un mystère, je préconise lanalogie avec le virus. Rappelons que le virus est un agent infectieux, spécifiquement une simple chaîne dinformations génétiques (ADN) qui ne peut se reproduire quen parasitant une cellule en y détournant ces mécanismes internes. Le virus est donc à la frontière du vivant, car : il ne respire pas, ne se nourrit pas, mais sadapte et se reproduit. Néanmoins, sa nature est liée à la nôtre, car nous sommes le relais, lusine de transformation, entre lindividu contaminant et sa propre survie en tant quespèce. Ainsi, pour les virus nous sommes bien plus que de simple réserve de nourriture, des proies, mais bien plutôt des hôtes. Cest à dire un toit, un moyen de transport, un milieu propice au développement de la reproduction. Toutefois, si la chose nétait quun virus, il finirait par se développer une relation entre lhôte et le parasite sinscrivant dans la durée et ne prenant fin quà la mort naturelle de lhôte. Mais la chose elle nest pas vraiment cachée à lintérieur de lindividu, elle le devient en le répliquant totalement après lavoir absorbé. En conséquence, bien que la chose ait besoin des formes de vie pour se reproduire, elle se fout carrément de la survie de lespèce de ses hôtes de par son indépendance à une espèce spécifique. Élément dautant plus troublant, la simple existence de la chose est une menace fondamentale à la survie de notre espèce. Avec la chose, la vie humaine perd son sens et les corps sont immoralement mutilés, déformés, défigurés et déchiquetés comme de vulgaires poupées en plastique. Lhomme nest plus quune sorte de défouloir pour elle qui na finalement besoin des formes de vies que pour se cacher et se reproduire. Sensuit donc un genre de relation sado-masochisme entre la chose et nous.
La vie nest elle que combat et confrontation ? Dans la lutte sans merci entre les molécules dADN agissant par lintermédiaire des organismes quelle fabrique, la notion de bien et de mal nest déterminée que par lefficacité à survivre. Pour lévolution, les individus ne comptent pas. Lhomme souffre de cette observation, parce quil en est conscient, et il ne peut justifier de manière rationnelle la raison apparente de son existence. Ainsi, même si nous vivons avec lidéal de créer de nouvelles lois pour le monde favorisant une évolution plus «humanitaire» (par conséquent moins compétitive, donc contre-nature), la vraie nature de lhomme nentendra pas nous laisser faire, car chacun des dominants veut influencer le monde pour lui. Comme dit Sartre, en considérant nos choix individuels comme valables pour tous les autres hommes, nous devenons une image de lhomme tel que nous estimons quil doit être, nous commandons donc implicitement par notre modèle lexistence dautrui. Or il a autant de modèles quil y a dhumains sur Terre. Les luttes de pouvoir sont lenjeu de tous ceux qui veulent imprégner leur vision à lavenir, tel est le sens de la vie et de la folie humaine.
La fin du film est elle aussi assez dramatique puisquil ne reste plus que deux survivants inévitablement voués à mourir de froid à moins quun des deux ne soit pas de constitution humaine. Comme une nouvelle figure de western, deux hommes face à face dans un duel une partie déchec entre le blanc et le noir ou laction du mal justifie celle du bien. Lun deux est peut-être la chose. Le sacrifice des survivants aura t-il servi à sauver lhumanité? À écouter la musique du début recommencer non. Le film se termine donc sur un constat terrible, son histoire aura été circulaire et nous renvoie au début, un épisode précédent dont il nest que la répétition dans un éternel retour. Le désespoir fait donc aussi partie des thèmes du film de par la réelle absence despérance, dautant plus que le froid glacial de lantarctique, cet environnement hostile et désertique où lhomme na pas réellement sa place, pourrait bien représenter symboliquement la mort qui envahit lhomme et éteint ses espoirs de conquête spatiale.
En conclusion, John Carpenter a su avec The Thing créer une ambiance unique en son genre, un enfer froid paranoïde où lon ne sait jamais si lhomme en face de vous est un authentique humain ou une partie de la chose vous traquant. Voilà ce qui pourrait donc expliquer limmense popularité qua connue le film bien après sa sortie en salle, les spectateurs nayant sûrement pas bien compris au premier coup dil toutes les subtilités du film et de sa mise en scène. The Thing est donc un film de répertoire que lon apprécie après maintes visions et analyses personnelles, ce qui nous conviendrons, na absolument rien à voir avec la grande majorité des «blockbusters» hollywoodiens prévisibles et délavés dont nous tairons les noms. Bref, The Thing va jusquau bout de son implacable logique, tout cela bien entendu en contradiction totale avec les productions habituelles des grands studios étasuniens. Une magnifique analogie avec ce que pourrait être le monde de notre système immunitaire. Une vraie merveille.
http://radicarl.net/?p=130
The Thing
Dans le « remake » de The Thing de John Carpenter sorti en 1982, le monstre prend plusieurs dimensions de lhorreur que le cinéma peut propager. Dailleurs, ce monstre est vraisemblablement la pire entité menaçant lhumanité jamais inventée au cinéma. En effet, il savérerait probable que le monstre de The Thing mis en contact avec nimporte quel autre monstre de lunivers du cinéma lemporterait facilement sur celui-ci de par ses qualités dabsorption et dadaptation extra-ordinaires; or ses possibilités sont sans limites. Subséquemment, il est le pire cauchemar auquel pouvaient être confrontés les douze hommes isolés de lavant-poste 31 en Antarctique. De la sorte que dans cette incroyable épreuve pour la survie, il se déclenchera chez le téléspectateur les mécanismes essentiels du suspense et de lhorreur. Comment et lesquels exactement? Cest ce que janalyserai ici.
The Thing nous inquiète, nous déstabilise, nous alarme puis nous attaque fondamentalement quand nous constatons lampleur de la menace quil représente exactement. Il nest pas quun monstre sanguinaire suivant linéairement son instinct, mais plutôt une entité multidimensionnelle se propageant insidieusement dans une communauté humaine. Cet ennemi intérieur est invisible, vit en nous de nos capacités intellectuelles et détient le potentiel datteindre virtuellement lhumanité au complet il est le virus mortel contaminant une à une les cellules du corps humain. Nous assistons donc dans ce combat «immunitaire» à la lutte que mène la ligne de front pour la préservation de lintégrité humaine. Nous sommes donc liés virtuellement à ces scientifiques devenus dans les circonstances les soldats de notre identité. En nous défendant pour garder notre intégrité corporelle et identitaire, ils représentent notre dernier espoir, le dernier rempart pour endiguer le mal voulant se répandre jusquà nous. Or, le processus didentification fonctionne à merveille. (Fait à noter : en nétant confinée quà un rôle de téléspectateur, notre impuissance à aider nos frères de sang agit dans The Thing comme un catalyseur de suspense; nous navons aucun contrôle sur le destin de lhumanité).
Cependant, en imitant les formes de vie lorsquen présence de celles-ci, le monstre dans The Thing peut avoir lapparence totale de nimporte quel homme et devenir littéralement celui a qui il à volé lidentité. Cest dailleurs un viol absolu si lon considère laspect sexuel que jaborderai un peu plus tard. Le suspense repose donc ici sur une paranoïa grandissante, et la tension est à son comble quand nous constatons que lennemi est définitivement à lintérieur de nous. Cest lors de ce constat que lintrigue dramatique entre brillamment en jeu: qui est qui? Et en même temps, que sommes-nous une fois contaminé?Si il est normalement facile de se prémunir du mal en définissant le monstre par des traits différents, il nen est rien de tel avec celui dans The Thing qui camoufle son identité dans la notre. Comment alors reconnaître le monstre puisque celui-ci porte en surface lidentité de lhomme? Et donc aussi, comment se reconnaître entre intègres? La chose est donc sans identité définissable puisquelle imite la nôtre. Elle na pas de nom, elle est linnommable elle est nous. La question du moi est ici dimportance, ce nest certainement pas notre apparence, donc notre extérieur, qui constitue notre identité. (Dailleurs, la scène du test sanguin et celle du chien contaminé au milieu des autres chiens illustre à merveille le problème de la normalité au sein du groupe). Le moi comme le mal est donc insaisissable, croit-on le tenir quil est déjà ailleurs, déjà un autre. Ne serions-nous donc quune image, une représentation de laltérité? Le moi ne se connaît donc jamais. Nous devenons un autre par la contamination, notre identité nous échappe et la chose devient la parfaite assimilation de cette apparence qui nous constitue tout entier. Finalement, on en arrive tranquillement à sidentifier malgré nous à cet assaillant qui confond par tous ses masques notre identité à la sienne. On ne sait jamais qui est la chose terrée dans notre intérieur, mais pourtant si fondamentalement extérieure à notre monde et notre à nature. La question du mal se trouve tout entière ici, extérieure ou intérieure, de nous ou en nous? Ainsi, selon langle du film, une personne en soi est à la fois la normalité et le monstre puisque que chacun peut être le monstre ou normal aux yeux de lautre. La Chose est donc en sorte une forme dalter ego de lhomme.
En ce sens, The Thing est métaphorique, car il joue sur le thème de lincertitude de lhomme face à lhomme lui-même. Le problème de la confiance est donc abordé dans le film à maintes reprises. Le manque de confiance des gens envers leur identité et donc des intentions de leurs semblables génère les incertitudes, les paranoïas, les peurs et les conflits. De ce fait, il est intéressant de relater que le récit original ayant inspiré The Thing de John Carpenter, Who goes there, a été écrit au début des années 50, soit exactement pendant la chasse aux communistes provoquée par le sénateur républicain Joseph Mccarthy. À ce moment, la névrose collective des étasuniens était à son paroxysme et chacun soupçonnait son voisin davoir potentiellement des allégeances communistes (cela souvent sans même savoir de quoi il en était exactement du communisme). On peut donc soupçonner lécrivain John W. Campbell de sêtre servi de cet état desprit pour alimenter la peur de son monstre dans son récit Who goes there. Ainsi, le monstre dans The Thing pourrait très bien représenter la révolution, la menace contre la sérénité du système, mais aussi la destruction de la famille nucléaire patriarcale à cause dune idéologie alternative qui corrompt lidentité de ses membres. En détruisant la cellule communautaire par lintérieur, The Thing nous démontre aussi que notre société sappuyant sur la famille ne tient que sur des petites brindilles à la merci de forces pouvant les couper sans trop de difficultés. Le groupe uni à lorigine comme les cellules du corps peut se scinder devant le danger et se retrancher dans lisolement. De plus, le film illustre lidée que nous ne pouvons séparer lhumain de ses instincts primaires et bestiaux. Dans The Thing, les repères instituant la civilisation explosent face à ladversité, et chaque être humain retourne dans une sorte détat primitif ne comptant plus que sur son instinct de conservation pour survivre en tant quindividu.
La survivance de lindividu et la perpétuation de lespèce sont des caractéristiques de toute forme de vie. Mais la chose est elle vraiment vivante? Pour y répondre, puisque la nature de la chose demeure en grand parti un mystère, je préconise lanalogie avec le virus. Rappelons que le virus est un agent infectieux, spécifiquement une simple chaîne dinformations génétiques (ADN) qui ne peut se reproduire quen parasitant une cellule en y détournant ces mécanismes internes. Le virus est donc à la frontière du vivant, car : il ne respire pas, ne se nourrit pas, mais sadapte et se reproduit. Néanmoins, sa nature est liée à la nôtre, car nous sommes le relais, lusine de transformation, entre lindividu contaminant et sa propre survie en tant quespèce. Ainsi, pour les virus nous sommes bien plus que de simple réserve de nourriture, des proies, mais bien plutôt des hôtes. Cest à dire un toit, un moyen de transport, un milieu propice au développement de la reproduction. Toutefois, si la chose nétait quun virus, il finirait par se développer une relation entre lhôte et le parasite sinscrivant dans la durée et ne prenant fin quà la mort naturelle de lhôte. Mais la chose elle nest pas vraiment cachée à lintérieur de lindividu, elle le devient en le répliquant totalement après lavoir absorbé. En conséquence, bien que la chose ait besoin des formes de vie pour se reproduire, elle se fout carrément de la survie de lespèce de ses hôtes de par son indépendance à une espèce spécifique. Élément dautant plus troublant, la simple existence de la chose est une menace fondamentale à la survie de notre espèce. Avec la chose, la vie humaine perd son sens et les corps sont immoralement mutilés, déformés, défigurés et déchiquetés comme de vulgaires poupées en plastique. Lhomme nest plus quune sorte de défouloir pour elle qui na finalement besoin des formes de vies que pour se cacher et se reproduire. Sensuit donc un genre de relation sado-masochisme entre la chose et nous.
La vie nest elle que combat et confrontation ? Dans la lutte sans merci entre les molécules dADN agissant par lintermédiaire des organismes quelle fabrique, la notion de bien et de mal nest déterminée que par lefficacité à survivre. Pour lévolution, les individus ne comptent pas. Lhomme souffre de cette observation, parce quil en est conscient, et il ne peut justifier de manière rationnelle la raison apparente de son existence. Ainsi, même si nous vivons avec lidéal de créer de nouvelles lois pour le monde favorisant une évolution plus «humanitaire» (par conséquent moins compétitive, donc contre-nature), la vraie nature de lhomme nentendra pas nous laisser faire, car chacun des dominants veut influencer le monde pour lui. Comme dit Sartre, en considérant nos choix individuels comme valables pour tous les autres hommes, nous devenons une image de lhomme tel que nous estimons quil doit être, nous commandons donc implicitement par notre modèle lexistence dautrui. Or il a autant de modèles quil y a dhumains sur Terre. Les luttes de pouvoir sont lenjeu de tous ceux qui veulent imprégner leur vision à lavenir, tel est le sens de la vie et de la folie humaine.
La fin du film est elle aussi assez dramatique puisquil ne reste plus que deux survivants inévitablement voués à mourir de froid à moins quun des deux ne soit pas de constitution humaine. Comme une nouvelle figure de western, deux hommes face à face dans un duel une partie déchec entre le blanc et le noir ou laction du mal justifie celle du bien. Lun deux est peut-être la chose. Le sacrifice des survivants aura t-il servi à sauver lhumanité? À écouter la musique du début recommencer non. Le film se termine donc sur un constat terrible, son histoire aura été circulaire et nous renvoie au début, un épisode précédent dont il nest que la répétition dans un éternel retour. Le désespoir fait donc aussi partie des thèmes du film de par la réelle absence despérance, dautant plus que le froid glacial de lantarctique, cet environnement hostile et désertique où lhomme na pas réellement sa place, pourrait bien représenter symboliquement la mort qui envahit lhomme et éteint ses espoirs de conquête spatiale.
En conclusion, John Carpenter a su avec The Thing créer une ambiance unique en son genre, un enfer froid paranoïde où lon ne sait jamais si lhomme en face de vous est un authentique humain ou une partie de la chose vous traquant. Voilà ce qui pourrait donc expliquer limmense popularité qua connue le film bien après sa sortie en salle, les spectateurs nayant sûrement pas bien compris au premier coup dil toutes les subtilités du film et de sa mise en scène. The Thing est donc un film de répertoire que lon apprécie après maintes visions et analyses personnelles, ce qui nous conviendrons, na absolument rien à voir avec la grande majorité des «blockbusters» hollywoodiens prévisibles et délavés dont nous tairons les noms. Bref, The Thing va jusquau bout de son implacable logique, tout cela bien entendu en contradiction totale avec les productions habituelles des grands studios étasuniens. Une magnifique analogie avec ce que pourrait être le monde de notre système immunitaire. Une vraie merveille.