Krinein, le magazine critique qui n'a jamais été critiqué
Publié : 25 décembre 2008, 21:02
Pas moyen.
Pas moyen de trouver une
critique de Krinein sur lui-même.
Normal, me direz-vous,
difficile d'être partial, dans ce cas.
Alors voilà, titillée par
ce que j'y vois depuis quelques mois, je m'atèle au projet, avant de m'en
retirer vers d'autres sphères numériques.
Krinein, en voilà un site attrayant. Premier
argument de choc ; sa balise « title » : Krinein,
le magazine critique de la pop culture.
Ca c'est du bon vieux code
inchangé depuis les premiers balbutiements du langage HTML. Et ça nous promet
de belles choses. Un magazine ; format intéressant qui nous permet de
rêver à plein de possibilités. Et puis cette merveille ;
« critique ». Certainement l'un des mots les plus beaux de la langue
française, synonyme de rhétorique puissante, d'arguments en rangs serrés, de
références fleuves et surtout de tempêtes salvatrices entre nos deux oreilles.
Bon, il nous reste la
« pop culture »... « Pop » : terme bien vague si l'en
est, mais qui a au moins le mérite de désamorcer l'effrayant « culture »
dans l'esprit des lecteurs les plus effarouchés.
Commençons par ce qu'il y
a de plus inutile : l'esthétisme. Comme l'a démontré Platon, l'esthétisme
est à la gymnastique ce que la cuisine est à la médecine : un vulgaire
substitut de forme, une chose malhonnête et trompeuse (voir le Gorgias, pour
nos amis les plus curieux et les moins instruits). M'enfin, comme on lit Platon
pour s'amuser plus que pour y trouver des règles de vie et d'écriture,
commençons par là ! Commençons ! Ca devient pressant,
journalistiquement, ça ne se fait pas de faire patienter les lecteurs pendant
plus de trois paragraphes pour pas plus qu'une simple mise en bouche. Là,
vraisemblablement, c'est trop tard, nous approchons les trois cent mots, une critique
sur Krinein n'en totalisant en moyenne que quatre cent, quelques lecteurs
potentiels de ce billet s'en sont donc très certainement retournés vers
d'autres articles moins baveux.
L'esthétisme, donc. Il ne
s'agit pas ici d'ouvrir l'interminable question du beau atour des couleurs
bleue, verte et violette si chères à Krinein dans sa mouture actuelle. Ayons plutôt
une vue d'ensemble. Krinein est un site portail, qui fourmille d'informations,
de cadres et d'images en tout genre. Pour le peu qu'on recherche l'amour sur
Internet (l'amour ou une femme russe à faire importer, ne chipotons pas), qu'on
apprécie les propositions commerciales de Google (qui s'adapte parait-il au
contenu des pages) et qu'on aime revoir, de temps en temps, les publicités
télévisées sous la forme de petits spots animés, on trouve Krinein
esthétiquement tout à fait supportable, voire même carrément beau. Et pour ceux
d'entre nous pour qui la recherche d'informations culturelles se limite à
Allocine.com, Krinein a préparé de quoi éviter tout dépaysement : le
déroulement du cadre publicitaire 700 * 500 pouces, accompagné de sa modeste
maxime en Arial police 7.5 chuchotant « Cliquez ici pour
accéder au site ». Pour ceux qui n'auraient pas tout suivi, voir
les illustrations suivantes...
http://img364.imageshack.us/img364/1746/01sn4.jpg
http://img528.imageshack.us/img528/4883/02zj1.jpg
Je vous vois venir... Si si,
je le remarque à vos mines désabusées. Vous m'accusez de faire du mauvais
esprit. Vous vous dites : « elle est bien marrante celle là, mais
faut bien vivre ! ». Oui, c'est vrai. Krinein, base de données
colossale d'environ 1000 articles (bon anniversaire au fait, joli cap), qu'il
faut bien nourrir d'autre chose que de culture et d'eau fraîche.
Passons donc au contenu.
Le site est bien rubriqué.
Du manga au cinéma, en passant par les sorties et les jeux vidéo. On parle de
culture, et l'on en parle sous bien des formes. Certaines rubriques sont très
actives (BD, cinéma) et d'autres sont comateuses, léthargiques. Forcément, ils
ne le font très certainement pas exprès. La bonne santé de chaque rubrique doit
dépendre des quelques bénévoles qui s'y investissent. Car on a beau lire dans
les conditions générales d'utilisation du site que Krinein est proposé par une
SARL, on imagine mal l'équipe au grand complet réunie dans une belle tour de
verre en plein Paris. Ou alors la DRH a fait un travail de cochon. Ou alors le
patron a exigé qu'on recrute un bon nombre de rédacteurs ayant échoué aux
épreuves du BEPC, histoire de donner sa chance à tout le monde.
Krinein, c'est
effectivement une chance pour ceux qui se sentent l'âme d'un journaliste sans
posséder ces satanés pré-requis d'écriture. Un exemple d'ouverture et d'appel à
la diversité, l'exemple type de ce modèle où chacun peut écrire : Luz,
rédactrice, mieux, rédactrice en chef de la rubrique médias. Quand elle ne
s'investit pas dans des articles humoristiques où l'absurde s'impose avec une
efficacité qui ferait pâlir d'admiration Pierre Desproges (voir la truculente
critique de la Star Ac 8), Luz dresse des portraits au vitriol de cette satanée
télé-poubelle.
Lire une critique de Luz,
c'est un peu comme discuter avec sa voisine de palier ou lire le blog de sa
petite cousine Jennifer, ça fleure bon le ressenti de comptoir. Parmi les
fleurons de ses analyses, on retiendra quelques éclairs de génie tel :
« Amandine est une
jeune Tina Turner en puissance qui gagne heureusement cette finale mais face à
un adversaire vraiment en dessous en terme de capacités techniques. Ceci étant
il avait vraiment l'air sympa ». (Critique de Nouvelle Star 2008)
Ou mieux :
« Il n'est pas
dangereux de tomber sur cette émission, mais ce n'est pas non plus nécessaire »
(Critique d'Un dîner presque parfait)
La force du naturel, on
essayerait de faire pareil qu'on n'y parviendrait pas.
Krinein, c'est un peu un
blog collectif. Les rédacteurs y parlent de ce qu'ils ont vu, entendu... Et les
rédacteurs ont beau être spécialisés dans le secteur culturel, pour leur grande
majorité, ils ne voient ni n'entendent rien de bien différent que nous tous,
pauvres manants. Ils allument la TV régulièrement pour regarder les mêmes
âneries que nous et du même regard avachi, ils vont au cinéma pour se délecter
du dernier blockbuster américain, et lisent Lanfeust sans rougir.
Des affaires communes,
mais analysées avec un regard neuf, peu habituel ? ... Eh bien non. Ils aiment,
ils n'aiment pas, ils nous expliquent vaguement pourquoi et puis demmerdez
vous. Je généralise peut-être un peu... Quelques rédacteurs se distinguent tout
de même par la vivacité de leur style, l'originalité de leur point de vue et
leur sens de l'analyse : Hiddenplace, Gyzmo, JC, Zdenek, Lestat, Iscarioth,
Orioto ou Weirdkorn en sont des exemples...Malheureusement, la plupart ne sont
lisibles que depuis les archives du site ou ont tout simplement disparu.
Pour ce qui est des
articles d'actualité, pas de scoops. On lit sur Krinein ce qui a déjà été écrit
ailleurs, sur de gros sites dédiés à la musique, le cinéma ou autre. Seulement,
sur Krinein, site généraliste, toutes ces informations spécialisées sont
compilées sur un seul et même portail. Une sorte de copié/collé rubriqué, une
sorte d'agrégateur de flux RSS en moins bien. Un petit exemple bien commun,
histoire d'étayer ce qui constitue presque une accusation pour plagiat.
Une news du 5 septembre
2008 annonçait sur Krinein la préparation d'un troisième opus du film SOS Fantômes...
Quelques heures à peine après qu'Allociné en ait fait l'annonce sur son
gigantesque site portail (certainement le site le plus repompé/copié-collé du
Web francophone). Ne nous emballons pas : il serait bien naïf de qualifier
Allociné de site d'investigation journalistique spécialisé dans le domaine du
cinéma. Eux-mêmes, sont allés repomper/copier-coller l'information d'un autre.
C'est en réalité le journal Variety qui a lancé le scoop le 4 septembre. Et
depuis lors, des centaines de sites internet ont reproduit l'information, au
point que l'on ne sait plus trop bien qui a copié/collé sur qui. Alors oui,
c'est sûr, j'exagère quand je dis copier/coller. Bien évidemment, on ne recopie
pas l'article du voisin, on en absorbe l'information pour en recracher une
bouillie propre, avec accroche personnalisée et choix des adjectifs. La news
sur Internet, c'est donc un journaliste professionnel qui effectue un réel
travail d'investigation un jour et des milliers de scribes colporteurs qui
s'affairent à en décliner moult versions dans les jours qui suivent...
Krinein, dans tout ça,
c'est quoi ? Un site aussi innocent ou coupable que les autres. C'est
vrai, les rédacteurs de Krinein ne font rien de plus que d'imiter leurs chers
concurrents, c'est-à-dire s'asseoir sur la première règle que l'on apprend dans
les écoles de journalisme aux apprentis reporters encore duveteux : ne
jamais colporter la rumeur.
Au final, Krinein ne
serait qu'à blâmer à demi, puisque ne faisant que reproduire les pauvres
habitudes sévissant dans tout un secteur. Ne généralisons pas pour autant. On
retrouve trois types de newsers sur Internet :
Les colporteurs - Ceux dont on vient de parler, qui se
battent pour la première place dans Google News
Les détecteurs de
signaux faibles - Ce sont ces amateurs éclairés, ces insiders
qui rencontrent des auteurs, participent à des conférences de presse, transmettent une vision de profondeur de l'actualité et de leur secteur culturel. Ceux là
sont de vrais générateurs d'information. Rares au sein des collectifs généralistes sur
Internet, on les retrouve plus derrière des blogs à succès ou des sites
spécialisés.
Les journalistes
d'investigation - Professionnels,
ceux là rédigent non pas pour de pauvres webzines mais pour les grands journaux
nationaux déclinés numériquement
On ne peut pas reprocher à
Krinein - qui, au regard de ses orgies publicitaires, semble peiner à payer les
factures envoyées par son hébergeur - de ne pas newser comme une équipe de journalistes
affûtés sillonnant le monde. En revanche, on peut leur reprocher d'être des
colporteurs plus que des détecteurs de signaux faibles, ce qui pose deux
problèmes majeurs aux lecteurs. Premièrement, rien ne distingue les news
Krinein de celles de n'importe quelle autre source Internet : ce sont les
mêmes informations colportées ça et là, titrées et illustrées comme ci ou comme
ça. Ensuite, le contrat de base n'est pas respecté. Krinein se définit comme un
magazine (le magazine critique de la pop culture, vous vous souvenez ?).
Un magazine est une publication journalistique périodique illustrée. En tant
que newser/colporteur et critique amateur, Krinein répond plus à la caractérisation
du webzine voire du blog collectif, dont les définitions répondent à des
exigences plus modestes.
Des critiques peu
éclairantes, des articles d'actualité imités-déposés ; Krinein a de quoi
faire peur à bien des lecteurs. Mais c'est là sa force ! En déplaisant aux
exigeants, il contente son public cible : le jeune trublion que le (gros)
mot « culture » - il est vrai tant sacralisé - effraie. Krinein est
un peu l'anti-France Culture (je parle de la radio). Ici, on ne pose pas plus
de cinq minutes sa concentration sur un sujet, on ne se fait pas peur avec des
thèmes trop intellectualisants et l'on
ne déborde presque jamais du cadre sécurisant des produits culturels d'une
industrie majoritaire dont on retrouve les chantres partout ailleurs. Les
jeunes trublions se sentent donc un peu chez eux, caressés par une publicité
pour un téléphone et une autre pour des chaussures de sport entre chaque minute
d'activité critique-mais-pas-trop ce
éditoriale ni valeur ajoutée à l'n. On ne leur fait pas peur avec
d'obscurs réalisateurs de l'est ou d'étranges compositeurs de musique
alternative. Ainsi décomplexé, nos jeunes amis peuvent s'en aller déverser leur
bile purulente d'hormones dans les cases « avis » du site, à grand
coup de kikoo-lol et d'effets de couleur, de police et de taille du plus bon
goût. En face, l'internaute de plus de 20 ans clique sur les cases
« avis » du site tétanisé, ne surmontant sa terreur que grâce au
mince espoir de pouvoir découvrir, au milieu de ce fatras d'explosions
juvéniles, un paragraphe à demi-pertinent et bien orthographié.
En conclusion, Krinein est
un très bon ou très mauvais site, selon ce qu'on vient y chercher. Vous
cherchez un magazine doté d'une ligne éditoriale exigeante, qui défend une
certaine vision de la culture et propose à ses lecteurs des tas de découvertes ?
N'allez pas sur Krinein. Vous voulez lire un avis pas prise de tête sur la
dernière grosse sortie ciné avant de pouvoir lâcher le votre ? Krinein
vous plaira. Krinein, le site au costard mal taillé, qui devrait troquer ses
trop larges épaulettes de « magazine critique de la pop culture » contre
celles plus annonciatrices de « blog collectif de la mass culture ».
Pas moyen de trouver une
critique de Krinein sur lui-même.
Normal, me direz-vous,
difficile d'être partial, dans ce cas.
Alors voilà, titillée par
ce que j'y vois depuis quelques mois, je m'atèle au projet, avant de m'en
retirer vers d'autres sphères numériques.
Krinein, en voilà un site attrayant. Premier
argument de choc ; sa balise « title » : Krinein,
le magazine critique de la pop culture.
Ca c'est du bon vieux code
inchangé depuis les premiers balbutiements du langage HTML. Et ça nous promet
de belles choses. Un magazine ; format intéressant qui nous permet de
rêver à plein de possibilités. Et puis cette merveille ;
« critique ». Certainement l'un des mots les plus beaux de la langue
française, synonyme de rhétorique puissante, d'arguments en rangs serrés, de
références fleuves et surtout de tempêtes salvatrices entre nos deux oreilles.
Bon, il nous reste la
« pop culture »... « Pop » : terme bien vague si l'en
est, mais qui a au moins le mérite de désamorcer l'effrayant « culture »
dans l'esprit des lecteurs les plus effarouchés.
Commençons par ce qu'il y
a de plus inutile : l'esthétisme. Comme l'a démontré Platon, l'esthétisme
est à la gymnastique ce que la cuisine est à la médecine : un vulgaire
substitut de forme, une chose malhonnête et trompeuse (voir le Gorgias, pour
nos amis les plus curieux et les moins instruits). M'enfin, comme on lit Platon
pour s'amuser plus que pour y trouver des règles de vie et d'écriture,
commençons par là ! Commençons ! Ca devient pressant,
journalistiquement, ça ne se fait pas de faire patienter les lecteurs pendant
plus de trois paragraphes pour pas plus qu'une simple mise en bouche. Là,
vraisemblablement, c'est trop tard, nous approchons les trois cent mots, une critique
sur Krinein n'en totalisant en moyenne que quatre cent, quelques lecteurs
potentiels de ce billet s'en sont donc très certainement retournés vers
d'autres articles moins baveux.
L'esthétisme, donc. Il ne
s'agit pas ici d'ouvrir l'interminable question du beau atour des couleurs
bleue, verte et violette si chères à Krinein dans sa mouture actuelle. Ayons plutôt
une vue d'ensemble. Krinein est un site portail, qui fourmille d'informations,
de cadres et d'images en tout genre. Pour le peu qu'on recherche l'amour sur
Internet (l'amour ou une femme russe à faire importer, ne chipotons pas), qu'on
apprécie les propositions commerciales de Google (qui s'adapte parait-il au
contenu des pages) et qu'on aime revoir, de temps en temps, les publicités
télévisées sous la forme de petits spots animés, on trouve Krinein
esthétiquement tout à fait supportable, voire même carrément beau. Et pour ceux
d'entre nous pour qui la recherche d'informations culturelles se limite à
Allocine.com, Krinein a préparé de quoi éviter tout dépaysement : le
déroulement du cadre publicitaire 700 * 500 pouces, accompagné de sa modeste
maxime en Arial police 7.5 chuchotant « Cliquez ici pour
accéder au site ». Pour ceux qui n'auraient pas tout suivi, voir
les illustrations suivantes...
http://img364.imageshack.us/img364/1746/01sn4.jpg
http://img528.imageshack.us/img528/4883/02zj1.jpg
Je vous vois venir... Si si,
je le remarque à vos mines désabusées. Vous m'accusez de faire du mauvais
esprit. Vous vous dites : « elle est bien marrante celle là, mais
faut bien vivre ! ». Oui, c'est vrai. Krinein, base de données
colossale d'environ 1000 articles (bon anniversaire au fait, joli cap), qu'il
faut bien nourrir d'autre chose que de culture et d'eau fraîche.
Passons donc au contenu.
Le site est bien rubriqué.
Du manga au cinéma, en passant par les sorties et les jeux vidéo. On parle de
culture, et l'on en parle sous bien des formes. Certaines rubriques sont très
actives (BD, cinéma) et d'autres sont comateuses, léthargiques. Forcément, ils
ne le font très certainement pas exprès. La bonne santé de chaque rubrique doit
dépendre des quelques bénévoles qui s'y investissent. Car on a beau lire dans
les conditions générales d'utilisation du site que Krinein est proposé par une
SARL, on imagine mal l'équipe au grand complet réunie dans une belle tour de
verre en plein Paris. Ou alors la DRH a fait un travail de cochon. Ou alors le
patron a exigé qu'on recrute un bon nombre de rédacteurs ayant échoué aux
épreuves du BEPC, histoire de donner sa chance à tout le monde.
Krinein, c'est
effectivement une chance pour ceux qui se sentent l'âme d'un journaliste sans
posséder ces satanés pré-requis d'écriture. Un exemple d'ouverture et d'appel à
la diversité, l'exemple type de ce modèle où chacun peut écrire : Luz,
rédactrice, mieux, rédactrice en chef de la rubrique médias. Quand elle ne
s'investit pas dans des articles humoristiques où l'absurde s'impose avec une
efficacité qui ferait pâlir d'admiration Pierre Desproges (voir la truculente
critique de la Star Ac 8), Luz dresse des portraits au vitriol de cette satanée
télé-poubelle.
Lire une critique de Luz,
c'est un peu comme discuter avec sa voisine de palier ou lire le blog de sa
petite cousine Jennifer, ça fleure bon le ressenti de comptoir. Parmi les
fleurons de ses analyses, on retiendra quelques éclairs de génie tel :
« Amandine est une
jeune Tina Turner en puissance qui gagne heureusement cette finale mais face à
un adversaire vraiment en dessous en terme de capacités techniques. Ceci étant
il avait vraiment l'air sympa ». (Critique de Nouvelle Star 2008)
Ou mieux :
« Il n'est pas
dangereux de tomber sur cette émission, mais ce n'est pas non plus nécessaire »
(Critique d'Un dîner presque parfait)
La force du naturel, on
essayerait de faire pareil qu'on n'y parviendrait pas.
Krinein, c'est un peu un
blog collectif. Les rédacteurs y parlent de ce qu'ils ont vu, entendu... Et les
rédacteurs ont beau être spécialisés dans le secteur culturel, pour leur grande
majorité, ils ne voient ni n'entendent rien de bien différent que nous tous,
pauvres manants. Ils allument la TV régulièrement pour regarder les mêmes
âneries que nous et du même regard avachi, ils vont au cinéma pour se délecter
du dernier blockbuster américain, et lisent Lanfeust sans rougir.
Des affaires communes,
mais analysées avec un regard neuf, peu habituel ? ... Eh bien non. Ils aiment,
ils n'aiment pas, ils nous expliquent vaguement pourquoi et puis demmerdez
vous. Je généralise peut-être un peu... Quelques rédacteurs se distinguent tout
de même par la vivacité de leur style, l'originalité de leur point de vue et
leur sens de l'analyse : Hiddenplace, Gyzmo, JC, Zdenek, Lestat, Iscarioth,
Orioto ou Weirdkorn en sont des exemples...Malheureusement, la plupart ne sont
lisibles que depuis les archives du site ou ont tout simplement disparu.
Pour ce qui est des
articles d'actualité, pas de scoops. On lit sur Krinein ce qui a déjà été écrit
ailleurs, sur de gros sites dédiés à la musique, le cinéma ou autre. Seulement,
sur Krinein, site généraliste, toutes ces informations spécialisées sont
compilées sur un seul et même portail. Une sorte de copié/collé rubriqué, une
sorte d'agrégateur de flux RSS en moins bien. Un petit exemple bien commun,
histoire d'étayer ce qui constitue presque une accusation pour plagiat.
Une news du 5 septembre
2008 annonçait sur Krinein la préparation d'un troisième opus du film SOS Fantômes...
Quelques heures à peine après qu'Allociné en ait fait l'annonce sur son
gigantesque site portail (certainement le site le plus repompé/copié-collé du
Web francophone). Ne nous emballons pas : il serait bien naïf de qualifier
Allociné de site d'investigation journalistique spécialisé dans le domaine du
cinéma. Eux-mêmes, sont allés repomper/copier-coller l'information d'un autre.
C'est en réalité le journal Variety qui a lancé le scoop le 4 septembre. Et
depuis lors, des centaines de sites internet ont reproduit l'information, au
point que l'on ne sait plus trop bien qui a copié/collé sur qui. Alors oui,
c'est sûr, j'exagère quand je dis copier/coller. Bien évidemment, on ne recopie
pas l'article du voisin, on en absorbe l'information pour en recracher une
bouillie propre, avec accroche personnalisée et choix des adjectifs. La news
sur Internet, c'est donc un journaliste professionnel qui effectue un réel
travail d'investigation un jour et des milliers de scribes colporteurs qui
s'affairent à en décliner moult versions dans les jours qui suivent...
Krinein, dans tout ça,
c'est quoi ? Un site aussi innocent ou coupable que les autres. C'est
vrai, les rédacteurs de Krinein ne font rien de plus que d'imiter leurs chers
concurrents, c'est-à-dire s'asseoir sur la première règle que l'on apprend dans
les écoles de journalisme aux apprentis reporters encore duveteux : ne
jamais colporter la rumeur.
Au final, Krinein ne
serait qu'à blâmer à demi, puisque ne faisant que reproduire les pauvres
habitudes sévissant dans tout un secteur. Ne généralisons pas pour autant. On
retrouve trois types de newsers sur Internet :
Les colporteurs - Ceux dont on vient de parler, qui se
battent pour la première place dans Google News
Les détecteurs de
signaux faibles - Ce sont ces amateurs éclairés, ces insiders
qui rencontrent des auteurs, participent à des conférences de presse, transmettent une vision de profondeur de l'actualité et de leur secteur culturel. Ceux là
sont de vrais générateurs d'information. Rares au sein des collectifs généralistes sur
Internet, on les retrouve plus derrière des blogs à succès ou des sites
spécialisés.
Les journalistes
d'investigation - Professionnels,
ceux là rédigent non pas pour de pauvres webzines mais pour les grands journaux
nationaux déclinés numériquement
On ne peut pas reprocher à
Krinein - qui, au regard de ses orgies publicitaires, semble peiner à payer les
factures envoyées par son hébergeur - de ne pas newser comme une équipe de journalistes
affûtés sillonnant le monde. En revanche, on peut leur reprocher d'être des
colporteurs plus que des détecteurs de signaux faibles, ce qui pose deux
problèmes majeurs aux lecteurs. Premièrement, rien ne distingue les news
Krinein de celles de n'importe quelle autre source Internet : ce sont les
mêmes informations colportées ça et là, titrées et illustrées comme ci ou comme
ça. Ensuite, le contrat de base n'est pas respecté. Krinein se définit comme un
magazine (le magazine critique de la pop culture, vous vous souvenez ?).
Un magazine est une publication journalistique périodique illustrée. En tant
que newser/colporteur et critique amateur, Krinein répond plus à la caractérisation
du webzine voire du blog collectif, dont les définitions répondent à des
exigences plus modestes.
Des critiques peu
éclairantes, des articles d'actualité imités-déposés ; Krinein a de quoi
faire peur à bien des lecteurs. Mais c'est là sa force ! En déplaisant aux
exigeants, il contente son public cible : le jeune trublion que le (gros)
mot « culture » - il est vrai tant sacralisé - effraie. Krinein est
un peu l'anti-France Culture (je parle de la radio). Ici, on ne pose pas plus
de cinq minutes sa concentration sur un sujet, on ne se fait pas peur avec des
thèmes trop intellectualisants et l'on
ne déborde presque jamais du cadre sécurisant des produits culturels d'une
industrie majoritaire dont on retrouve les chantres partout ailleurs. Les
jeunes trublions se sentent donc un peu chez eux, caressés par une publicité
pour un téléphone et une autre pour des chaussures de sport entre chaque minute
d'activité critique-mais-pas-trop ce
éditoriale ni valeur ajoutée à l'n. On ne leur fait pas peur avec
d'obscurs réalisateurs de l'est ou d'étranges compositeurs de musique
alternative. Ainsi décomplexé, nos jeunes amis peuvent s'en aller déverser leur
bile purulente d'hormones dans les cases « avis » du site, à grand
coup de kikoo-lol et d'effets de couleur, de police et de taille du plus bon
goût. En face, l'internaute de plus de 20 ans clique sur les cases
« avis » du site tétanisé, ne surmontant sa terreur que grâce au
mince espoir de pouvoir découvrir, au milieu de ce fatras d'explosions
juvéniles, un paragraphe à demi-pertinent et bien orthographié.
En conclusion, Krinein est
un très bon ou très mauvais site, selon ce qu'on vient y chercher. Vous
cherchez un magazine doté d'une ligne éditoriale exigeante, qui défend une
certaine vision de la culture et propose à ses lecteurs des tas de découvertes ?
N'allez pas sur Krinein. Vous voulez lire un avis pas prise de tête sur la
dernière grosse sortie ciné avant de pouvoir lâcher le votre ? Krinein
vous plaira. Krinein, le site au costard mal taillé, qui devrait troquer ses
trop larges épaulettes de « magazine critique de la pop culture » contre
celles plus annonciatrices de « blog collectif de la mass culture ».