Watchmen : Les gardiens [BD]
Publié : 11 juillet 2003, 10:05
Dans 12 minutes il sera minuit. Les trompettes de la mort sonneront
pour annoncer la fin de l'humanité. A moins que des super-héros ne
soient là, encore une fois, pour nous sauver. Seulement voila, les
super-héros sont vieux et fatigués. Et il semblerait qu'une
conspiration soit en marche pour éliminer les derniers encore en
activité.
Cette Bande dessinée de Moore (scénario), Gibbons (graphisme) est
une variation subtile et profonde sur le mode du comics. Dans une
amérique alternative du milieu des années 80, oú les américains ont
gagné la guerre du vietnam (grâce aux super-héros) et sont en pleine
tension avec l'URSS, Moore nous déconstruit les mythes des super-héros
avec une efficacité redoutable. Il en profite pour y glisser des
quantités de refléxions/critiques sur notre humanité, finalement pas
si loin de celle des watchmen.
Le premier sujet d'étonnement est le suivant : les super-héros sont,
pour la plupart, vraiment des gens comme les autres sans super
pouvoirs. Ils sont justes un peu plus idéalistes, et un peu plus tordus :
pourquoi se déguiser pour combattre le crime ? A quoi ca rime ? Que se
passe-t-il au moment de la retraite ? A noter l'évolution du "hibou",
qui de policier passe à justicier masqué. Dans les deux cas il
s'habille en uniforme pour faire régner la justice, pourquoi celui de
policier ne lui suffit-il pas ? Par ce qu'il y a la justice des hommes
et la sienne. Les relents extrémistes (rorchach par exemple) et les
tentations dictatoriales des hommes masqués effraient au moins autant
que rassure la sécurité qu'ils sont censés nous apporter. D'ailleurs
la société les a rejetés, ils sont désormais interdits
d'activité. Comment vivent ils ces désillusions ?
Mais ne retenir que la trame romanesque vous ferait passer à côté
de merveilles plus grandes encore. Notament la construction en elle
même du récit, faite de répétitions et d'entrelacements (si je devais
donner un équivalent vulgaire je dirais que ca correspond à du
fondu-enchainé, mais c'est bien plus réfléchis qu'une simple
juxtaposition d'images), que ce soit dans les dialogues, les images
voire le sens, done une densité incroyable à cette oeuvre. RIEN n'est
laissé au hasard, et je pense que plusieurs lectures sont
nécessaires. Car si on est estomaqué par la fin, le simple rappel des
épisodes précédents aurait du vous mettre sur la voie. Il y a trop
d'indices parsemés. Et encore je l'ai lu en version francaise ce qui
doit engendrer de grosses pertes de sens. Juste un exemple évident :
"Watchmen" joue sur les mots, avec Watch qui peut signifier surveiller
mais aussi la montre. Car il s'agit d'une course contre le temps,
contre les minutes avant l'armaggedon, mais aussi contre le
vieillissement et le flétrissement des idéaux.
Finalement, et je n'en suis qu'à ma première lecture, je dois dire
que mis à part ces remarques, ce qui m'a le plus touché (et quand on
voit comme je suis admiratif du reste ca donne une échelle) est la
touche poétique disséminée partout dans cette oeuvre. Je pense aux
amants d'Hiroshima, au dialogue entre Dr Manathan et Laurie dans son
palais (concernant cette scène j'en suis encore sur le cul : il n'y a
pas d'autre expression qui tienne la route), aux cauchemards de
Dreiberg ...
Je vais conclure cette critique mais je pourrais surement en écrire
des pages et des pages. Watchmen fait parti de ces oeuvres rares qui
renferment plus qu'elles ne contiennent. Ca vous parait
géométriquement étrange ? Pourtant en vous touchant au plus profond
elle s'enrichit de vous et vous d'elle, et il est bien connu qu'un
et un font plus que deux.
Ma note : 9.5 (j'aurais bien mis 10 mais j'attend de lire d'autres
spécimens de cet extra-terrestre de Moore avant de me commettre
dans de si hautes sphères).
pour annoncer la fin de l'humanité. A moins que des super-héros ne
soient là, encore une fois, pour nous sauver. Seulement voila, les
super-héros sont vieux et fatigués. Et il semblerait qu'une
conspiration soit en marche pour éliminer les derniers encore en
activité.
Cette Bande dessinée de Moore (scénario), Gibbons (graphisme) est
une variation subtile et profonde sur le mode du comics. Dans une
amérique alternative du milieu des années 80, oú les américains ont
gagné la guerre du vietnam (grâce aux super-héros) et sont en pleine
tension avec l'URSS, Moore nous déconstruit les mythes des super-héros
avec une efficacité redoutable. Il en profite pour y glisser des
quantités de refléxions/critiques sur notre humanité, finalement pas
si loin de celle des watchmen.
Le premier sujet d'étonnement est le suivant : les super-héros sont,
pour la plupart, vraiment des gens comme les autres sans super
pouvoirs. Ils sont justes un peu plus idéalistes, et un peu plus tordus :
pourquoi se déguiser pour combattre le crime ? A quoi ca rime ? Que se
passe-t-il au moment de la retraite ? A noter l'évolution du "hibou",
qui de policier passe à justicier masqué. Dans les deux cas il
s'habille en uniforme pour faire régner la justice, pourquoi celui de
policier ne lui suffit-il pas ? Par ce qu'il y a la justice des hommes
et la sienne. Les relents extrémistes (rorchach par exemple) et les
tentations dictatoriales des hommes masqués effraient au moins autant
que rassure la sécurité qu'ils sont censés nous apporter. D'ailleurs
la société les a rejetés, ils sont désormais interdits
d'activité. Comment vivent ils ces désillusions ?
Mais ne retenir que la trame romanesque vous ferait passer à côté
de merveilles plus grandes encore. Notament la construction en elle
même du récit, faite de répétitions et d'entrelacements (si je devais
donner un équivalent vulgaire je dirais que ca correspond à du
fondu-enchainé, mais c'est bien plus réfléchis qu'une simple
juxtaposition d'images), que ce soit dans les dialogues, les images
voire le sens, done une densité incroyable à cette oeuvre. RIEN n'est
laissé au hasard, et je pense que plusieurs lectures sont
nécessaires. Car si on est estomaqué par la fin, le simple rappel des
épisodes précédents aurait du vous mettre sur la voie. Il y a trop
d'indices parsemés. Et encore je l'ai lu en version francaise ce qui
doit engendrer de grosses pertes de sens. Juste un exemple évident :
"Watchmen" joue sur les mots, avec Watch qui peut signifier surveiller
mais aussi la montre. Car il s'agit d'une course contre le temps,
contre les minutes avant l'armaggedon, mais aussi contre le
vieillissement et le flétrissement des idéaux.
Finalement, et je n'en suis qu'à ma première lecture, je dois dire
que mis à part ces remarques, ce qui m'a le plus touché (et quand on
voit comme je suis admiratif du reste ca donne une échelle) est la
touche poétique disséminée partout dans cette oeuvre. Je pense aux
amants d'Hiroshima, au dialogue entre Dr Manathan et Laurie dans son
palais (concernant cette scène j'en suis encore sur le cul : il n'y a
pas d'autre expression qui tienne la route), aux cauchemards de
Dreiberg ...
Je vais conclure cette critique mais je pourrais surement en écrire
des pages et des pages. Watchmen fait parti de ces oeuvres rares qui
renferment plus qu'elles ne contiennent. Ca vous parait
géométriquement étrange ? Pourtant en vous touchant au plus profond
elle s'enrichit de vous et vous d'elle, et il est bien connu qu'un
et un font plus que deux.
Ma note : 9.5 (j'aurais bien mis 10 mais j'attend de lire d'autres
spécimens de cet extra-terrestre de Moore avant de me commettre
dans de si hautes sphères).