
On ne présente plus Les Misérables, de Victor Hugo, tant c'est le roman culte, que dis-je, mythique de la littérature romanesque du XIXème siècle. En France, c'est même un monument national, aussi célèbre que la Tour Eiffel, si ce n'est qu'ici l'édifice est fait de mots et non de fer (et le dire, c'est bien...).
C'est un monument aussi imposant par sa richesse littéraire, que par le volume de son contenu, aussi il me sera nécessaire de procéder à deux critiques, correspondantes chacune à un tome du roman.
Voici donc la critique du premier volume du chef d'uvre de Victor Hugo.
L'auteur
Né le 26 février 1802, à Besançon, il est le fils d'un général de Napoléon, Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet, lesquels parents se sépareront assez tôt. A quatorze ans, il écrit « je veux être Chateaubriand ou rien » dans son journal intime, c'est dire qu'il était précoce. A seize ans, il écrit son premier roman, Bug-jargal. Ses réussites font qu'à partir de 20 ans commence pour lui la célébrité et la carrière littéraire, avec des recueils de poèmes (Odes, Feuilles d'automne), des pièces de théâtres (Cromwell). Il rencontre Chateaubriand, Berlioz, Litz, Meyerbeer ; épouse Adèle Foucher qui lui donnera cinq enfants. Il entretient une liaison avec Juliette Drouet, une célèbre actrice, et entre à l'Académie française en 1841. En 1843, sa fille Léopoldine meurt tragiquement lors d'un naufrage avec son mari. Il en sera grandement affecté. C'est en 1862, lors d'un exil pour des raisons politiques, qu'il rédige Les Misérables.
Sa biographie est très riche, aussi je ne vais pas m'étendre dessus, mais Victor Hugo était quelqu'un de très actif à son époque, et cela depuis son enfance jusqu'à ses vieux jours, un personnage hors-normes, un grand homme.
L'époque
L'histoire se situe aux début du XIXème siècle, en France, en province dans un premier temps, puis à Paris. Pourtant, cette histoire pourrait se dérouler sans problème à notre époque, tant la misère qu'il retranscrit se retrouve de nos jours. De misère, il en sera biensûr question, mais derrière cela, l'auteur nous livre l'histoire des hommes et des femmes, de la dure réalité et des rêves, des tourments et des espoirs, des ténèbres et des lumières.
A cette époque, Napoléon perdait à Waterloo contre les Britaniques et les Hollandais (le 18 juin 1815), entraînant la fin de l'Empire et le retour de la monarchie. Les anciens révolutionnaires sont persécutés, alors que Louis XVIII tente de rétablir un semblant de royauté et d'aristocratie.
La France d'alors n'est pas très différente de la notre. Elle possède le code napoléonien, les institutions sont définies, l'école et l'instruction sont en passe de devenir obligatoires, les bâtisses sont à peu près comme celles que l'on peut rencontrer dans certains quartiers historiques, rapprochées et à plusieurs étages. Ce sont des petites ruelles pavées, avec des lampadaires à pétrole, des cabriolets tirés par des chevaux. Les premiers engins à vapeur commencent à apparaître, notamment dans la marine. On porte le chapeau, la moustache et la redingote.
Cependant, on n'est pas très éloigné de la Révolution et de sa furie sanguinaire, et il n'est pas rare de voir encore des exécutions publiques à la guillotine. C'est une époque agitée, désillusionnée, violente et ingrate.
Quelques mots sur les protagonistes de cette première partie
L'histoire commence avec celle de Monseigneur Bienvenu, homme au passé mystérieux qui s'était réfugié à l'étranger et qui est devenu prêtre à son retour en France. On ne sait pas ce qui a pu se passer durant son exil, mais il est à présent aussi bon qu'un saint homme. Ses bienfaits lui apportent la reconnaissance de son entourage, des villageois, et même de la région. C'est à un âge avancé, devenu évêque, qu'il reçoit un gueux particulier dans son église.
Ce vagabond, c'est Jean Valjean. Un vieux forçat venant de finir sa peine, condamné il y a vingt ans de cela pour avoir tenté de voler une miche de pain pour nourrir ses enfants affamés. Il n'était pas rare que l'on fasse des condamnations aux travaux forcés pour un rien, puisque l'Etat manquait de main d'uvre. Il est encore aigri, ne comprenant toujours pas pourquoi il dut tant souffrir pour si peu, sans nouvelles de sa famille, sans toit et sans argent. De plus, les villageois le chassent, reconnaissant en lui l'ancien forçat.
Et là, c'est la première grande rencontre du roman, entre le saint homme et le forçat. Une rencontre pour l'un, une tempête pour l'autre, dont découle le reste du roman.
On y rencontre aussi Fantine, une jeune femme qui s'est laissée séduire par un beau parleur, qui la mettra enceinte, puis prendra la poudre d'escampette, la laissant seule et sans ressources. Son destin est par la suite des plus tragiques. Pour ajouter à son malheur, elle fera la rencontre des Thénardiers.
Les Thénardiers : l'incarnation du couple d'aubergistes retors, prêt à tout pour escroquer leurs clients, sans aucune pitié pour les plus faibles, et sans aucun remords. Derrière un sourir mesquin, un Thenardier pense d'abord à votre bourse.
Si Jean Valjean est un personnage célèbre, il y en a un autre, qui assurément l'est tout aussi : Javert.
Prenez une personne antipathique. Faites en un policier têtu comme une mule, et sournois comme une buse (mule, buse...), et vous obtenez Javert.
Javert, c'est le voisin qui vous regarde par sa fenêtre et qui se pose des questions sur ce que vous faites. Javert, c'est aussi le barman qui croit vous reconnaître et qui vous regarde bizarrement alors que c'est la première fois que vous entrez dans son bar. Javert, c'est une mauvaise ombre qui vous suit n'importe où, et qui vous colle une sale étiquette que vous ne pouvez pas enlever puisqu'elle est dans sa caboche. D'où l'expression « Il vaut mieux avoir un Javert devant soi, que derrière », ou « laisse tomber, fait pas ton Javert ».
Il y a bien d'autres personnages tout aussi intéressants, que je laisse le soin aux lecteurs de découvrir. D'ailleurs, ce n'est qu'une rapide description, à mille lieues de celle de l'auteur.
Les impressions
Éblouissant, fantastique, sublime. Génial. Je ne connaissais pas Les Misérables autrement que de renom, car je pensais que ça devait être un peu vieu-jeu comme histoire, genre barbant qu'on est obligé de lire comme un devoir d'école. Par curiosité je me suis procuré le premier tome, et j'en reste encore pantois. C'est beau, c'est grand, un chef d'uvre, du même niveau que Guerre et Paix de Tolstoï (c'est à dire le plus haut). L'écriture est moderne, elle nous permet de mieux comprendre cette époque, c'est profond, philosophique, historique. Que dire de négatif ? Même la longueur, qu'on pourrait croire rebutante, est positive car elle indique que ce n'est pas encore la fin de l'histoire.
On entend dire aujourd'hui « qui ne saute pas n'est pas français », j'aimerais plutôt dire « qui n'a pas lu Les Misérables n'est pas français », tant cela nous fait comprendre les racines de La France moderne.
Les Misérables, de Victor Hugo, Edition d'Yves Gohin, tome 1, 955 pages, 6.40 , aux éditions Folio Classique (édition en 2 tomes).
Lien vers la critique du tome 2 :
http://forum.krinein.com/les-miserables ... 14496.html
Protos, pour Krinein international.