Après avoir esquissé les silhouettes de contes traditionnels sans frontière dans son théâtre dombres Princes et Princesses, après avoir émerveillé et ébloui un public large et varié avec son surprenant Kirikou et la Sorcière, Michel Ocelot était revenu, en 2005, donner une suite aux aventures du petit bonhomme « qui senfante tout seul » dans Kirikou et les bêtes sauvages.
Michel Ocelot sest plongé cette fois-ci dans un nouvel univers, bien différent de lAfrique où trottine Kirikou, mais qui lui ressemble à de nombreux points de vue. Le parcours initiatique cher aux contes traditionnels et légendes illustrés par Michel Ocelot nest plus mené par un seul personnage significatif, mais deux : les éponymes Azur et Asmar.
Azur est un enfant blond, au teint de porcelaine, et ses yeux bleus rivalisent avec la limpidité des gouttes de rosée. Fils dun riche châtelain occidental, et nayant pas de Maman, il est élevé et chéri par sa nourrice, dont la peau ambrée et les yeux sombres ont été distillés avec le même éclat que ceux de son fils naturel, Asmar, qui lui na pas de Papa.
Les deux enfants grandissent ensemble, partageant lamour, la langue, la culture, les histoires et légendes de leur Maman, nourrice, ainsi que leur berceau déducation commun, dun côté de la mer. Ils se promettent de partir chacun, plus tard, de lautre côté de la mer, en quête de la fée des Djinns dont leur a tellement parlé Maman/ Nourrice.
Mais lorsqu Azur atteint lâge de sinstruire, son père renvoie la nourrice et Asmar vers des horizons inconnus, privant ainsi brutalement Azur de son cocon rassurant.
Devenus adultes, leurs chemins se croisent comme ils se létaient promis dans leur fameuse quête de la fée des Djinns, où à travers des épreuves colorées et périlleuses, se révèle une rivalité naturelle et fraternelle doublée de quelques questionnements identitaires.
Par son extraordinaire maîtrise technique, Azur et Asmar marque lesprit d' une personnalité visuelle aussi forte, singulière et enchanteresse que celle des Kirikou.
La grande innovation par rapport à ses prédécesseurs, est lusage exclusif de la 3D, utilisée de manière tellement différente de celle de ses contemporains, que lil est presque dérouté.
Le moindre des éléments de décor oriental est finement détaillé. Quil sagisse des mosaïques, céramiques ou carrelages au motif fleuri et ciselé, de la végétation luxuriante, sauvage ou panachée, aussi proche dun Douanier-Rousseau que dans Kirikou, ou que lon se fixe quelques instants sur les regards très expressifs car parties intégrantes de lintrigue, tout cela reflète une émouvante authenticité, tout en laissant à chaque plan un arrière-goût dillustration pure.
Le déploiement audacieux de couleurs et le foisonnement baroque pouvait aisément frôler lindigestion. Et pourtant, léquilibre de la composition picturale réside dans lalternance des arabesques fleuris avec de simples aplats de couleurs, très judicieux, pour les costumes. Le regard est flatté comme sil effectuait lui-même un voyage et sabreuvait de surprise à chaque plan : la forêt de palmiers, le marché aux mille épices, le palais de la princesse, la grotte de la fée des Djinns
Ce qui caractérise aussi ce travail très personnel, outre son apparente minutie, cest la verticalité des éléments et la presque rigidité des personnages.
Les personnages de Kirikou éveillaient déjà, par leur maintien droit et leur morphologie loin des conventions cartoonesques, un calme et une sérénité revendiqués.
Azur et Asmar sont, malgré leurs débordement enfantins et leurs faiblesses dadultes, lincarnation juste dune sagesse que justifie le message. La finesse de leurs traits et expressions inspirent lécoute et le respect. Sans pourtant que ceci soit dénué dhumour.
Le regret que lon pourrait avoir, serait le systématisme dune composition peut-être un peu trop classique, avec des plans symétriques et aussi verticaux que les personnages. Mais cette géométrie parfaite rime justement avec la semi-perfection des détails, et semble être un parti pris de longue date par Michel Ocelot. Et cette symétrie est contrebalancée par la floraison de couleurs et lépanchement de motifs orientaux.
Comme il lavait déjà démontré dans Kirikou et la sorcière, Michel Ocelot semble à nouveau vouloir, avec ce magnifique tableau vivant, rendre hommage à une culture, une tradition, et une communauté entière, sans même la nommer. Le message est limpide, et prône des valeurs universelles, mais loin dun discours pesant, démagogique et simpliste, il sadresse avant tout aux enfants et atteint dune même flèche les adultes qui les accompagnent.
Là où le propos pouvait paraître prévisible et réducteur, la trame principale et le dénouement de lhistoire sont menés avec une grande subtilité, surtout visuelle. Ce qui aurait pu être reproché à un Walt Disney traitant du même thème, est ici esquivé avec finesse parce quon ne tombe jamais dans des dualités manichéennes. Les préjugés et les superstitions sont reprouvés de la même manière de part et dautre de la mer.
Comme dans Kirikou, la crédibilité du propos est également portée par un doublage de qualité, faisant appel à un casting cosmopolite et rendant justice aux communautés dépeintes. La voix du personnage de Crapou, figure burlesque et attachante, est celle dun Patrick Timsit qui gagnerait toutefois à en faire un peu moins. Mais dans lensemble, la diction est claire et efficace.
Et pour finir, la grande qualité dAzur et Asmar, outre son atmosphère visuelle singulière et envoûtante, est sa manière très didactique de transmettre des valeurs simples et à la fois complexes. La trame narrative nest pas plus développée quun conte initiatique classique, les personnages, bien que simples à cerner, ne sont pas outrageusement caricaturés, et reflètent une réalité à laquelle nous faisons face constamment : le brassage et le partage des cultures. Qui suis-je ? Le pays où je suis né ou celui doù vient mes parents ? Quelles sont ma langue et ma culture, maternelle ou dadoption ? Un regard pédagogique quelque peu déformé me pousse à envisager ce film comme le départ dune réelle réflexion avec des enfants. Qui peut se poursuivre sur une découverte dartistes dont Michel Ocelot sest ostensiblement inspirés, et un travail pictural très riche et accessible à tous les âges.
Pour moi, ce dernier né de Michel Ocelot est un très belle surprise, subtile et délicate, porteuse de sens et de plaisir, et que je recommande chaleureusement à tous les publics.
Azur et Asmar
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Je suis plutot d'accord avec toi, ce film est indiscutablement un chef d'oeuvre. Seulement j'emettrais des reserves quant au choix de la 3D pour les personnages, vu que ca leur enleve beaucoup de leur humanité. Je veux dire que les expressions et la texture des personnages perd beaucoup par rapport à du dessin traditionnel, et c'est très genant tout au long du film. Mais d'un autre coté, c'est vrai que ca colle avec les personnages 'stoïques' du realisateur. Il n'empeche que certaines scenes perdent enormement au change (les retrouvailles entre Azur et sa nourrice notamment).
En ce qui concerne les decors, par contre, c'est de toute beauté, et je pense surtout au palais de la princesse avec ses symetries en noir et blanc qui m'ont vraiment estomaquées. Sinon l'histoire est fascinante de bout en bout, reprenant parfois des thèmes propres aux romans médievaux. On pourra dire que la fin est pour le moins inattendue, surtout dans sa structure (alors qu'on s'attend à une sorte d'explosion finale, on a une belle queue de poisson).
Cela étant dit, dommage que les dessins animés, meme francais, visent uniquement l'exploitation aupres des enfants, alors que pour le coup, Azur et Asmar merite bien plus d'égard. Enfin, j'imagine que Michel Ocelot doit avoir son public depuis le temps...
En ce qui concerne les decors, par contre, c'est de toute beauté, et je pense surtout au palais de la princesse avec ses symetries en noir et blanc qui m'ont vraiment estomaquées. Sinon l'histoire est fascinante de bout en bout, reprenant parfois des thèmes propres aux romans médievaux. On pourra dire que la fin est pour le moins inattendue, surtout dans sa structure (alors qu'on s'attend à une sorte d'explosion finale, on a une belle queue de poisson).
Cela étant dit, dommage que les dessins animés, meme francais, visent uniquement l'exploitation aupres des enfants, alors que pour le coup, Azur et Asmar merite bien plus d'égard. Enfin, j'imagine que Michel Ocelot doit avoir son public depuis le temps...
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Je vais te faire un aveu (enfin, pour certains ici, ce n'est plus un secret ), mais mon émotivité légendaire s'est justement exprimée ici à la scène de retrouvaille entre Azur et sa nourrice, c'est (l'une des) une scène où j'ai versé une grosse larme, et très justement parceque le regard d'Azur, EN 3D, avait une expressivité rarement atteinte en animation selon moi. Et je ne suis pas un public privilégié de la 3D, n'ayant pas du tout aimé Final Fantasy ou Dinosaures (j'omets volontairement de mentionner tous les Shrek et Age de glace, que je ne mets pas dans la même catégorie de film) et ayant trouvé froid des films comme Le Pôle Express, mais je dois avouer qu'ici Michel Ocelot m'a terriblement bluffée par sa manière de détourner la technique à son avantage. Le côté "parfait" et minutieux est un parti pris qu'il développe depuis longtemps (et le côté mécanique était le centre de sa démarche avec une technique comme le papier découpé dans Princes et Princesses), je trouve que son évolution personnelle au fil des progrès technologiques fulgurants de notre époque se tisse de manière pertinente et surtout intègre. Pour moi, il ne se fourvoie pas au fil du temps, et je trouve cela extrêmement rare.Jade a écrit :Je suis plutot d'accord avec toi, ce film est indiscutablement un chef d'oeuvre. Seulement j'emettrais des reserves quant au choix de la 3D pour les personnages, vu que ca leur enleve beaucoup de leur humanité. Je veux dire que les expressions et la texture des personnages perd beaucoup par rapport à du dessin traditionnel, et c'est très genant tout au long du film. Mais d'un autre coté, c'est vrai que ca colle avec les personnages 'stoïques' du realisateur. Il n'empeche que certaines scenes perdent enormement au change (les retrouvailles entre Azur et sa nourrice notamment).
Cela dit, la qualité de ses films traditionnels est telle que l'on peut lui préférer les visages de la 2D. Mais d'après mon souvenir de Kirikou, les visages n'ont rien perdu en expression ici par rapport aux personnages du conte africain.
Et en plus, et ça aussi c'est rare, mais je trouve que regarder ses oeuvres donne envie de créer (à la peinture, avec des tissus, en mosaïque, en patchwork...) et ça aussi, c'est très rare selon moi. Et très précieux.
Azur et Asmar
Faut dire aussi que je suis un ennemi inconditionnel de la 3D dans les films d'animation, et surtout quand on en vient aux personnages. J'ai cite le passage des retrouvailles d'Azur et sa nourrice parce que justement, c'est un moment tres fort, et qu'au moment le plus intense (ou Azur ouvre les yeux), la 3D gene enormement et on se dit qu'en animation traditionnelle ca rendrait mieux. Enfin, c'est vrai que je suis assez rigide a ce niveau
Par contre, il est vrai que l'emploi qui en fait est exemplaire, et que pour le coup Ocelot se sert vraiment bien de la technique mise a sa disposition, et de maniere tres originale.
Pour en revenir aux personnages, et ca me revient en lisant ton post, je ne pense pas que Kirikou soit plus detaille, ou mieux fait, mais ca ne se voit pas trop parce que les plans sont fixes, assez lointains du point de vue des personnages et qu'il n'y pas de gros plans. Dans Azur et Asmar, Ocelot se permet des 'folies' (c'est un bien grand mot vu la mise en scene austere ) comme les gros plans en plein sur les yeux de ses heros, qui permettent de remarquer les defauts -et sont parfois assez maladroit, en cela justement, mais aussi car ils font peut etre un peu trop melodramatique.
Sinon, a mes yeux, Ocelot est l'un des derniers grands realisateurs d'animation francais, et ca fait plaisir de voir que d'autres l'apprecient
Par contre, il est vrai que l'emploi qui en fait est exemplaire, et que pour le coup Ocelot se sert vraiment bien de la technique mise a sa disposition, et de maniere tres originale.
Pour en revenir aux personnages, et ca me revient en lisant ton post, je ne pense pas que Kirikou soit plus detaille, ou mieux fait, mais ca ne se voit pas trop parce que les plans sont fixes, assez lointains du point de vue des personnages et qu'il n'y pas de gros plans. Dans Azur et Asmar, Ocelot se permet des 'folies' (c'est un bien grand mot vu la mise en scene austere ) comme les gros plans en plein sur les yeux de ses heros, qui permettent de remarquer les defauts -et sont parfois assez maladroit, en cela justement, mais aussi car ils font peut etre un peu trop melodramatique.
Sinon, a mes yeux, Ocelot est l'un des derniers grands realisateurs d'animation francais, et ca fait plaisir de voir que d'autres l'apprecient
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KRISSS a écrit :à une époque ou l'animation tente de repousser les limites techniques sans se soucier du fond de leur propos (merci dream works), Ocelot livre un dessins animé techniquement réussit mais loin de vouloir défier les plus grand (merci pixar)...
Défier les plus grands (les plus distribués, tu veux dire?) à quel niveau?
Personnellement, je n'ai jamais voulu mettre les dessins animés de Michel Ocelot sur le même plan que les Pixar, les Dreamworks et les Disney, car pour moi on ne parle pas d'une industrie (certes talentueuse) mais bel et bien du travail personnel et artistique d'un plasticien.
La popularité Disney ne baissera jamais au profit d'un Ocelot, tout simplement parcequ'ils sont bcp plus diffusés et surtout bcp plus consensuels...mais ça ne veut pas dire que la notoriété de Michel Ocelot ne continera pas de s'accroître.
Azur et Asmar
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