Je ne sais pas si beaucoup de gens vont me comprendre dans ma démarche, mais depuis quelques jours que j'ai découvert Krinein, bon site de critique au demeurant, je me dis que ça vaudrait peut être bien le coup de lancer la discution. (Si ce post est dans le mauvais forum, je serais grée aux modérateurs de le déplacer.)
A savoir : est-ce bien raisonnable, en 2007, de faire encore une distinction aussi tranchée qu'on peut la trouver sur ce site entre "bande dessinée" et "manga" ? Mis à part leur origine géographique, sont-ce réellement deux médias différents ? (Dans ce cas, pourquoi les comics américains ne sont-ils pas mis eux aussi dans leur coin ?)
NON ! Ce sont juste deux mots, dans deux langues différentes, pour dire la même chose !
Bien sûr, la bande dessinée made in japan est immanquablement reconnaissable par un grand nombre de codes graphiques et narratifs bien connus, tels que le noir et blanc, la longueur et le format des albums, le style kawaii, etc... (Une énumération exhaustive serait fastidieuse, et de toute façon hors de ma portée.)
Il faut cependant savoir que ces exceptions culturelles du manga sont motivées à 99% par des contraintes économiques, mais également, et c'est tout aussi triste, par une sorte de macération culturelle qui fait que les auteurs Japonais et lecteurs s'intéressent malheureusement peu aux ouvrages étrangers, qui sont d'ailleurs importés en quantités infimes. Seuls quelques auteurs "intellos" et assumant clairement leur marginalité se payent le luxe de sortir des carcans de l'édition japonaise, en produisant des albums courts et/ou en couleurs, comme par exemple Junko Mizuno.
Ce qui ne veut pas dire que les auteurs japonais aient l'impression de faire "autre chose". Dites à un Japonais : "Manga ga suki" ("Jaime les bandes dessinées"
D'ailleurs, si l'on en revient à une des seules définitions valables de la bande dessinée, à savoir celle proposée par Scott McCloud dans son excellent "Art Invisible", on constate que la bédé n'est jamais que "Des images picturales et autres, volontairement juxtaposée en séquences, destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur." Bien sûr, cette definition est vague et volontairement très intellectuelle, car elle se destine à regrouper les travaux même les plus "underground", mais elle s'applique néanmoins avec justesse à tous les styles, tous les genres, toutes les sortes de bédés. Et, évidemment, aux bédés japonaises.
En allant plus loin, la distinction entre "manga" et "bédé" n'est elle pas volontairement accrue par les lobbies commerciaux, qui savent la première dénomination beaucoup plus vendeuse que la seconde ? Combien d'amateurs de Katsura et Toriyama se privent, à cause de cela, du charme magique d'un Gossiny ou d'un Gotlib de la grande époque ? (Pour ne parler que des plus célèbres...) Combien, à l'inverse, de fans de Tintin ou XIII ne connaîtrons jamais l'efficacité dramatique de Monster et la poésie nostalgique de Quartier Lointain ?
Pendant combien de temps entendra-t-on encore des réflexions comme "Le manga représente un danger pour la bande dessinée Franco-belge" ?
Doit-on vraiment en arriver à des aberrations comme le "manga européen" ?
Je pense qu'à l'heure où la première génération d'ouvrages d'influences métissées commence à voir le jour pour notre plus grand bonheur, il est temps de cesser la ségrégation entre "manga" et "bédé", qui ne sont jamais que deux mots pour une même chose, et enfin ouvrir notre esprit à la richesse combinée de tous ces univers...
Voilà. Mes remerciements les plus sincères à ceux qui se sont donnés la peine de lire jusqu'au bout. Je conne certainement l'impression de m'enflammer : c'est le cas ! Mais le sujet me tient vraiment à coeur et je pense que ce forum est assez ouvert d'esprit pour accueillir mon petit plaidoyer... En espérant qu'il trouvera un écho !
Edit > Remis en forme. C'est à peu près comme ça qu'il aurait du être dés le départ...