Voyage au bout de la nuit [roman]

Avatar de l’utilisateur
protoss
Messages : 0
Inscription : 22 mai 2007, 17:23

Voyage au bout de la nuit [roman]

Message par protoss »

 


Voyage au bout de la nuit.


Image

 


 


 


 


Écrit en 1932,
Voyage au bout de la nuit est le premier roman de Louis-Ferdinand
Céline (nom d'artiste venant du prénom de sa
grand-mère, Destouches de son vrai nom). Il est alors âgé
de la quarantaine, et traverse une époque difficile faite de
crise économique, politique et sociale. Autant le dire
d'emblée, Céline à la réputation d'un
auteur cynique, et pas facile à lire, c'est pourquoi j'ai
choisi ce roman, par curiosité.


Voyage au bout de la nuit
retrace l'histoire de Ferdinand Bardamu, homologue imaginaire de
l'auteur, depuis son engagement idéaliste chez les poilus,
alors agé de la vingtaine, jusqu'à sa déchéance
amorale post-quadragénaire. Ferdinand est plus
qu'enthousiasmé par l'arrivée des soldats dans sa
ville, et comme il en a un peu marre des études, s'en va le
cœur vaillant suivre les bataillons bleus et rouges pimpants. La guerre et ses horreurs
lui apprirent vite la nature de ses illusions, et la monstruosité
primaire de celle-ci l'écoeur profondément, traçant
des sillons de dégoût envers la nature humaine. Trop
sensible, constamment dans le besoin matériel et morale, il
prend coup sur coup, et devient de plus en plus ténébreux. Il découvre aussi
Robinson, dans sa fuite de la Grande Guerre ; les deux compères
se retrouveront tout au long du roman. Ce dernier lui ressemble dans
le fond, plus fuillard que courageux, il préfère la
solitude aux ennuis, et cela ne fait que de le mettre dans le pétrin. Ferdinand rencontre aussi
des femmes, quelques moments de douceurs éphémères,
histoires courtes et passionnelles, lui arrachant un petit morceau
par-ci par-là, jusqu'à n'en plus rien ressentir, allant
toujours plus loin dans les ténèbres. « On s'était
bien compris autrefois avec la fille Henrouille... Pendant
longtemps... Mais maintenant, elle était plus assez bas pour
moi, elle pouvait pas descendre... Me rejoindre... Elle avait pas
l'instruction et la force. On ne monte pas dans la vie, on descend.
Elle pouvait plus. Elle pouvait plus descendre jusque là où
j'étais moi... Y avait trop de nuit pour elle autour de moi. »



 


Au niveau du style, quand
bien même j'en suis pas un expert, on peut dire que c'est
péchu. Céline écrit comme il parle, et quand il
parle, il le fait avec les mots qui viennent des tripes, sans
fioritures ni effets de styles, si ce n'est quelques points de
suspensions dans les dialogues, entrecoupés de pensée
philosophique socialophobique. En fait, ce n'est pas que l'auteur soit
asociale, mais c'est surtout qu'il voit la société à
la lumière crue et froide, sans chaleur, en indiquant les
détails misérables que l'on évite de regarder.
Céline nous force à regarder cette misère, il
nous prend la tête et nous la tourne vers les ordures.
« Regarde donc, bon sang, mais regarde ! Ouvre les
yeux ! » qu'il nous dirait. Un avortement par exemple, ce n'est pas un
avortement et puis on oublie, non, chez Céline, c'est une
femme à l'agonie, des entrailles ensanglantés, du sang
sur le parquet. C'est glauque, mais c'est ce qu'il a dû endurer en tant que médecin des bas quartiers.


 


On reproche à Céline ses pamphlets antisémites, mais ce roman n'est pas le
cas, et se situe avant cette époque trouble de l'auteur, donc
même si ce-dernier part en sucette par la suite, ce n'est pas
une raison pour bouder ce roman qui reflète l'époque
sombre à laquelle il se situe, à la veille de la
seconde guerre mondiale, pleine de misère humaine et sociale,
la première guerre ayant épuisé les ressources
de l'Europe, le Krach boursier de 1929 l'ayant achevé : c'est
la Grande Dépression. On y ressent de la
rancune, de l'aigreur de l'auteur vis-à-vis de l'humanité,
aussi c'est un roman à prendre « avec des
pincettes ».


Ce roman n'est donc pas
pour les âmes sensibles, et dénonce la misère
comme l'aurait fait Victor Hugo à la sortie d'un bistro, comme
l'aurait peint Van Gogh en se coupant l'oreille, et comme l'aurait
raconté Stendhal en ayant la chiasse. Personnellement, j'ai
adoré, il prend ses aises, dit ce qu'il a à dire, et
puis s'en va.


 


 


 



Voyage au bout de la nuit, de Céline, 505 pages en livre de poche, 8.20€ aux éditions Folio.


Note : 9/10


 


 
Everybody knows that the dice are loaded
Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 3 invités