Avant-propos : Evitez la bande annonce comme la peste, elle détruit complètement le film !!!
Première réalisation de Chris Morris, humoriste britannique, Four Lions (affublé d'un "We Are" en français, sans doute pour éviter les amalgames linguistiques) a provoqué une vive polémique chez nos voisins du dessus.
Premièrement, en raison de la proximité des évènements du film avec les faits tragiques qui ont touché Londres en 2005, mais aussi pour le sujet qu'il traite, et surtout l'absence totale de retenue, de tabous, et de parti-pris envers celui-ci.
Four Lions aborde donc un sujet d'actualité, très sensible, et somme toute déjà bien représenté sur nos écrans : Le Terrorisme.
Jusque là, rien de bien original, au détail près que l'action se déroule cette fois-ci du coté de 5 amis, Musulmans aux pensées extrémistes et fans d'Al Qaida, qui ont pour ambition de mourir en vrais moudjahidine, de préférence en emportant un max d' "infidèles" dans un attentat à la bombe.
Seul souci, Omar, mari et père de famille, accessoirement chef de ce petit groupuscule indépendant, est entouré d'abrutis, et est lui-même assez maladroit.
Entre Barry l'anglais de souche qui ne comprend pas la langue natale de ses camarades, agressif et contestataire(un véritable Cartman, il en a même la voix en FR), Fessal, complètement à coté de la plaque, Hassan, meilleur ami d'Omar et mou du bulbe, et Waj, jeune nouveau de la bande, rappeur amateur qui trouve ça cool de mourir en martyr, on a là une belle bande d'idiots qui cherchent par tous les moyens à faire péter quelque chose.
Ainsi, la stupidité et la maladresse de nos protagonistes sera la cause de nombreuses péripéties et dialogues hilarants, avant de mettre en action leur plan d'attentat lors du marathon de Londres.
Style très anglais, estocades grotesques et efficaces pour celui qui aime l'humour court, direct, gras, cynique, et sans tabou.
On aimera ou pas ces drôleries potaches et simples, parfois morbides, parfois brutales et choquantes.
Une chose est sûre, les avis sont très opposés, et le film illustre parfaitement l'adage : "On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui".
"Masha'allah frère corbeau, c'que tu vas faire là, ça va sauver la vie à frère Fessal."
On attaque ici ce qui divise autour de Four Lions.
Rire des péripéties de sympathiques amis dont le seul but est de tuer un maximum d'innocents pour des raisons absurdes, et se prendre d'affection pour ces gens, c'est pas nouveau non plus au cinéma, mais quand cela traite d'actualité dramatique et de religion, tout ça sans retenue et avec un réalisme horripilant dans le déroulement des évènements, là on touche la corde sensible.
Car le film n'hésite pas à nous rappeler quand il le faut que, malgré tous ces protagonistes déjantés et attachants, le monde dans lequel ils vivent est bien réel, normal, et qu'on parle de massacrer des gens. On le constate aussi Notamment à travers la réalisation. Le tout est filmé de manière intimiste, caméra à la main, façon docu-fiction, donc pas de musique.
La réalisateur a également effectué un gros travail d'investigation pour rendre crédible son film et ses intervenants.
En cela, c'est pour moi une véritable réussite. Pour peu qu'on accepte l'humour de ce style, on est littéralement hypnotisé par cette immersion au milieu d'une cellule terroriste indépendante.
On reste suspendu, entre deux éclats de rire, à cette quête absurde mais pourtant essentielle aux yeux du groupe d'idiots perdus dans leurs idéologies extrêmes. On assiste à leurs questionnements, leurs périodes de doutes, et tous les sentiments qu'on imagine pour un homme qui va sacrifier sa vie dans un attentat.
Le personnage d'Omar est ici le maillon qui relie ces évènements et protagonistes déjantés à leur triste réalité et il joue son rôle à merveille. Persuadé de la justesse de sa décision, il est confronté aux idées de son frère, lui aussi musulman, très pratiquant, et qui pratique un Islam à l'opposé du sien. Il devra répondre aux questions de son fils, au courant des desseins de son père, et accepter ses erreurs et sa voie.
Au travers de conversations bien senties, ou de situations toujours cocasses, Four Lions expose avec humour et un réalisme brutal une partie du paysage du terrorisme religieux. Chris Morris réussit l'exploit de faire naitre un rire dérangé, mais franc.
Si vous aimez l'humour anglais et que comme moi,vous trouvez que les Tabous c'est pour les cons, alors jetez-vous sur ce petit bijou !
9/10