
Réalisation : Jérôme Boivin
Scénario : Jacques Audiard et Jérôme Boivin
Daprès le roman "Des Tueurs pas comme les autres" de Ken Greenhall
Interprètes : Lise Delamare (Madame Deville), Sabrina Leurquin (Noëlle), François Driancourt (Charles) et Maxime Leroux (voix de Baxter).
Genre : Fantastique
Pays : Français
Durée : 80 minutes
Date de sortie : janvier 1989
Baxter est un bull-terrier. Il a été durement élevé dans un chenil. Et puis, un jour danniversaire, il est offert à Madame Deville. Logiquement, Baxter devrait lui tenir compagnie, veiller sur elle et lui apporter de laffection. Mais voilà : Baxter nest pas ce genre de toutou. Baxter est un cadeau empoisonné : Il préfère épier, penser, manigancer. Et ce quil a en tête nest pas toujours réconfortant à entendre
J'avais déjà qu'un seul désir : vivre avec les humains. Les voir, les sentir et essayer de comprendre ces choses étonnantes qu'ils font parfois. Jai toujours pensé que javais beaucoup à apprendre des humains
Les humains en question ?
Un ramassis de personnages qui sabandonnent à leurs travers respectifs : haineux, usurpateur, malingre, adultère, individualiste, névrosé. Trois générations de propriétaires vont se succéder et alimenter les pensées de Baxter. Une vielle dame rongée par la peur, à la recherche de lisolement afin de vivre pleinement sa démence. Une jeune femme douce et légère, transit damour pour son mari de plus en plus distant, sujette à lirresponsabilité pour combler le manque. Un jeune garçon solitaire, sadique dans lâme et étrangement captivé par la reconstitution grandeur nature des derniers jours dHitler. Trois instants dune vie de chien dans laquelle Baxter va apprendre, évoluer et questionner son utilité au sein dun monde à latmosphère étouffante. Et lorsquon remarque le panel de déviants humains, il y a des soucis à se faire quant à léducation de Baxter. Même si ses attentes ne sont pas franchement communes
Je me demande si un jour je trouverai un humain qui me ressemble.
Qui ne connaît ni lamour, ni la peur.
Il n'y a pas de mauvais chien, il n'y a que de mauvais maître.
Cet adage commun possède son fond de vérité. Mais difficile de lappliquer à un Baxter ambigu qui ne donne pas limpression de vouloir dun gentil maître. Cest entre les mains du dictateur Charles, le plus jeune et le plus sinistre personnage de ce panorama, que Baxter trouve curieusement son bonheur. Je souligne le côté curieux de la relation Charles / Baxter car là est lune des surprises du film : la recherche dune autorité draconienne pour canaliser lenvi pernicieuse ; le plaisir masochiste éprouvé devant le commandement qui étouffe la débandade et engendre des automatismes. Et dans ce rapport complexe de forces, on sent poindre en filigrane une critique subtile des lois humaines imposées jusque dans labsurde, et face auxquelles il faut invoquer la prudence.
Nobéissez jamais.
Oubliez la balourdise de Didier, lobligeance de Lassie, limpulsivité de Cujo. Baxter est à quelques kilomètres de ses 30 millions damis. Plus malin, plus improbable et plus calculateur. On pourrait presque le voir comme un "extraterrestre" cherchant à percer lâme des hommes, caricaturés avec (im)pertinence. Loriginalité est davoir donné le premier rôle à un penseur canin au physique (subjectivement) désagréable. Une vraie gueule taillée pour jouer un odieux mais curieux personnage. De ses yeux noirs quon distingue à peine, Baxter décrypte et exècre nos faiblesses humaines par petites piques de réflexions empoisonnées. De sa présence, tantôt amorphe tantôt menaçante, Baxter semble favoriser la suppuration de nos défaillances plus ou moins dangereuses. Pourtant, au final, ce chien atypique risque de vous apparaître attachant (par rapport à lHomme). Sans compter lacteur Maxime Leroux qui prête une voix bizarre aux pensées contre-nature de Baxter, pensées pas si inhumaines que cela...
Jentends leurs cris et leurs rires. Mais bientôt la nuit retombera dans le silence. A ce moment là, moi, je resterai à la fenêtre et je guetterai les lumière de la maison. En concentrant toute mon attention, jentendrai les bruits quils font et jimaginerai des choses.
Ce petit film se dote dune mise en scène lente et classique, tout en offrant des séquences chargées dune intensité dramatique remarquable (le cimetière et papy Cuzzo / la fontaine et le bébé). Il ny a pas deffets spéciaux, ni dhémoglobine. Le réalisateur nous laisse deviner les crimes (ou leurs tentatives) de lanimal contre les hommes. Tout est question daffrontements psychologiques pour la domination de lautre et la volonté de se débarrasser du sentiment dinutilité. Pour un premier long-métrage - dans un genre cinématographique peu pratiqué en France qui plus est, Jérôme Boivin ny est pas allé de main morte. Malgré les années, son film parvient à faire du mot "Malaise" sa signature. Et la scène finale, brutale, poétique, est sans doute lun des moments de cinéma les plus troublants quil mait été donné de voir pour illustrer la malveillance de certains hommes.
:gasp: