Critique cinéma - Barry Lyndon

[Hugo Ruher]

Barry Lyndon.

Quand on demande aux gens quel est le film de Kubrick qu'ils préfèrent, on a droit à toute sorte de réponse. Vous verrez que si vous demandez la même chose sur Hitchcock, Les Oiseaux ou Psychose reviendront le plus souvent, ou à propos de Scorses, vous entendrez parler de Taxi Driver ou Casino. Mais pour ce qui est de Kubrick, il est difficile de savoir lequel se détache du peloton, entre Orange Mécanique, 2001 Odyssée de l'Espace ou Full Metal Jacket, entre autres.... Cela dit, un expert du grand Stan, bien qu'un peu éméché, m'a assuré avec une conviction si forte que Barry Lyndon était le meilleur, que je n'ai pas eu d'autre choix que de lui faire confiance et de visionner ce film.
Barry Lyndon c'est l'histoire d'un irlandais qui veut se faire une place dans le haute société britannique lors de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Le film commence pendant la guerre de sept ans puis nous conte plusieurs décennies de la vie de Barry.

Que dire de ce film ? Et bien il est superbe tout simplement. C'était du Kubrick donc je n'étais pas surpris mais tout le film est un émerveillement, et on est porté du début à la fin malgré un habillage plutôt austère. En effet, le film est très lent, la caméra tourne lentement pour nous laisser observer les superbes paysages ou les costumes d'époque très travaillés, et les acteurs s'expriment très peu, laissant les regards dire le reste. De plus, la voix off omniprésente ne cesse de nous renseigner sur la suite des événements, comme pour nous préparer au drame qui va se dérouler sous nos yeux. Le film est profondément fataliste, Kubrick n'a pas cherché à instaurer un quelconque suspens et au contraire, lorsqu'on pourrait douter de l'avenir d'un des personnages, le film nous ramène à la réalité en nous rappelant qu'il n'y a pas d'échappatoire.

Dans ce genre de contexte, on s'attend forcément à ce que tout repose sur la psychologie des personnages, et c'est le cas. Mais la encore, Kubrick surprend avec un traitement très différent accordé aux protagonistes. Ainsi, le personnage titre est relativement loin de l'objectif de la caméra, à part lors de quelques occasions. La voix off s'exprimant à la troisième personne entretient cette distance, et présente très peu Barry. On apprend alors à le connaître, non pas par ses pensées intimes ou ses paroles, mais par ses actes, c'est par la façon dont il agit qu'on comprend réellement son but, ses motivations et sa destinée. Cette distance renforce encore ce côté austère de la mise en scène car le réalisateur ne nous pousse pas à nous attacher à Barry ou aux autres personnages, il laisse à chacun le droit de se faire son idée et de décider si le destin de chaque personnage est mérité ou non.
C'est cette implication du spectateur, qui ne peut se contenter de se laisser guider, qui fait qu'on s'accroche à chaque seconde de cette fresque longue de pourtant trois heures. Et donc, malgré la lenteur et le fatalisme, l'œuvre est fascinante et extrêmement plaisante à regarder.

Mais cela serait impossible sans un jeu d'acteur extrêmement complexe, on voit vraiment ce que ressentent les personnages, et ce ne sont jamais des sentiments univoques. Le visage de chaque acteur est en permanence agité d'une tonne de pensées extrêmement contradictoires, notamment chez Barry, mais aussi chez John Quin lors du duel au début du film. J'en profite pour décerner une mention spéciale au Révérend Runt qui me rappelle furieusement J.D dans Scrubs, mais c'est une autre histoire... Les acteurs sont donc très expressifs, mais tout en nuance et sans jamais en faire trop, ce qui est une gageure lorsqu'il y a si peu de lignes de dialogue.

Barry Lyndon est donc tout bonnement un chef d'œuvre (un de plus), et mérite le titre de meilleur film de Kubrick.
...mais d'un autre côté, 2001 est vraiment magique... et j'ai adoré Docteur Folamour... mais comment laisser Orange Mécanique de côté...Lolita aussi peut-être...

8/10

Flammes-and-co.

[nazonfly]

Lors de ma petite rétro Kubrick, j'ai découvert Barry Lyndon et c'est vrai qu'il est bon. D'ailleurs en passant j'aurais aussi parlé de la musique. Par contre, je n'ai pas pu le regarder d'un seul trait (3H07 de Kubrick, ce n'est pas simple ).

[Hugo Ruher]

C'est vrai que niveau musique il y a beaucoup à dire, la BO à elle seule mériterait une seconde chronique. Je suis pas sûr mais il me semble que c'est surtout Schubert qui revient en boucle, et comme souvent dans les films de Kubrick, ce que j'adore c'est que la musique n'est jamais là où on l'attend, ça crée une ambiance parfois un peu étrange.
Et sinon c'est vrai que 3h ça peut sembler long mais c'est quand même moins dur que 2001 en une fois je pense!