Masamune Shirow est un auteur qui s'est fait connaitre avec des oeuvres telles que Orion ou Appleseed où son style particulier mélangeant science-fiction et mysticisme à su séduire un public japonais habitué à des oeuvres encore classiques. Ghost in the Shell est sa poule aux oeufs d'or, lui valant une prestigieuse reconnaissance internationale. Sorti en 91, ce manga, par son succès immense, ainsi que le film animé de Mamoru Oshii qui en fut inspiré, servit à démocratiser la culture japonaise à travers le monde et notament les Etats-Unis. D'un autre coté, ce succès mérité aura permi de briser jusqu'à un certain point le cliché du manga violent et débile qui perdure encore de nos jours dans certains milieux. Si Ghost in the Shell est effectivement un manga où le sang ne manque pas, nous allons voir en quoi il y a bien plus que de la haine et des muscles dans cette oeuvre qui fit figure de révolution à son epoque.
UNE OEUVRE DE SCIENCE-FICTION
Nous sommes en l'an de grace 2015, et les récents et fulgurants progrès en nano-technologies ont permit le dévellopement tout aussi explosif de la cybernètique. Ainsi, des robots à forme humaine faisant figure d'appareil de luxe apparaissent, tout comme des Cyborgs, humains possédant des parties anatomiques robotisées. Motoko Kusanagi est un être dont seul le cerveau est humain. Elle habite un corps construit en série, et fais partie de la section 9, une section anti-terroriste du gouvernement japonais faisant primer la fin sur les moyens. Dans le premier volume, l'histoire n'avance pas beaucoup, au profit du dévellopement d'un univers très complexe, inspiré de prestigieux auteurs de science-fiction tels que l'immense Philip K. Dick. Si le terme de science-fiction englobe un monde imaginaire pas forcément réaliste, il faut convenir que l'un des points forts de celui de Ghost in the Shell est sa cohérence. Le background scientifique est assez poussé, et Masamune Shirow s'y donne à coeur joie, en essayant de rationnaliser ses délires scientifiques de manière très convaincante. Une scène, notament, expliquant la conception d'un corps cybernètique, agrémentée de notes explicatives de l'auteur quant à ses choix d'un point de vue scientifique, illustre très bien cela. Ainsi, ceux qui portent un interêt quelconque au sujet seront aux anges. Les autres risquent d'être vite largués. Ghost in the Shell, un manga pour les scientifiques en manque d'action? Pas seulement.
LE FANTOME DANS LA MACHINE
En effet, le premier aspect de Ghost étant la cohèrence scientifique (à défaut d'exactitude...quoique je n'en sais rien, j'ai arrêté ma carrière de scientifique depuis la première), son second aspect, surtout abordé dans le deuxième volume est l'aspect purement théorique et philosophique qui découle d'un scénario bien plus développé. La rencontre entre Motoko Kusanagi et le Marionettiste, un organisme virtuel tellement complexe en terme d'informations qu'il prend conscience de sa propre existence. Le nombres de certitudes remises en question par cette découverte est phénomènal. Si un être à la base entièrement artificiel peut prétendre être vivant, et si il l'est effectivement, les critères définissant le vivant s'en retrouveront grandement modifiés. La distinction entre matière et esprit se trouve implicitement chamboulée par l'appréciation qu'en fait Masamune Shirow dans son oeuvre. Effectivement, dans un univers où les hommes sont des êtres en partie mecanisés, un réseau gigantesque relie les hommes directement par leur conscience, leurs cerveaux pouvant être reliés de manière matèrielle à ce réseau par des cables. De nombreux hackers peuvent alors accèder à la conscience des uns et des autres, qui n'est alors plus qu'une simple donnée informatique.
UN MANGA TRES DIFFERENT DU FILM
D'un point de vue comparatif, le manga Ghost in the Shell est largement plus complexe que son équivalent animé. Ainsi, il s'adresse à un public beaucoup plus ciblé. Mais là où Oshii recadre les aventures de Motoko dans un contexte personnel extrêmement sèrieux et d'une sobriété sans pareil, Shirow joue la carte de l'humour et met en scène des personnages légers. Il en va de même pour les dessins, qui reflètent très bien cet aspect. Shirow est un des rares mangakas à s'auto-financer, et se permet dés lors des folies qu'aucun autre ne pourrait cautionner. On a souvent droit à des planches en couleur de toute beauté en début de chapitre, et à des dessins conceptuels, qui, si il ont la particularité de ne rien expliquer, ont aussi le mèrite d'être assez beaux. Ainsi, sous ses airs de manga violent et trivial, Ghost in the Shell pose des questions extrêmement intéressantes, pour peu que l'on s'intèresse à la philosophie. Masamune Shirow aime se torturer l'esprit et propose des réponses parfois carrément tordues et pour le moins difficiles à suivre dans leur construction, mais ceux qui savent apprécier ce genre de choses trouveront leur bonheur dans ce manga. Les frères Wachowsky ne renient d'ailleurs pas leur source et avouent s'être très largement inspiré du sujet de reflection donné dans l'oeuvre du mangaka pour créer leur film Matrix.
Le plus grand défaut de Ghost in the Shell est aussi sa plus grande qualité. Déséquilibré d'un point de vue scénarique, le manga compense par sa complexité refletant l'esprit plus ou moins tordu de son auteur et certaines innovations au niveau graphique. A sa sortie, le manga de Shirow en cela révolutionnaire. De nos jours, le style graphique quelque peu vieillissant laisse sa place à l'appréciation exclusive des idées géniales de l'auteur. Seulement, il ne faut pas se leurrer : très peu de personnes seront totalement emballées devant la complexité d'un monde qui ne repose que sur des concepts très étoffés. Voila en quoi ce manga, pourtant d'une qualité indiscutable, risque d'être pour toujours dans l'ombre de son petit frère animé.
GHOST IN THE SHELL (Manga)
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