Délits Flagrants [Film Documentaire]
Publié : 08 décembre 2004, 13:11
[url=http://www.affichescinema.com/insc_d/de ... grants.jpg" title="Délits Flagrants]Délits Flagrants[/url]
Réalisation : Raymond Depardon
Genre : Film documentaire
Année : 1994
Durée : 1h45
Particularités : césar du meilleur film à caractère documentaire (1995)
En 1956, deux anglais, Lindsay Anderson et Karel Reisz, lancent le Free Camera qui prône le traitement de la réalité sociale en privilégiant lapproche directe des personnes et de leur témoignage. Délits Flagrants de Raymond Depardon, reprend cette approche de la réalité la plus objective possible. Le film documentaire pénètre lanti-chambre de la justice en filmant les entretiens daccusés avec le substitut du procureur qui doit statuer sur leur éventuelle incarcération.
Le Cinéma Direct
Raymond Depardon a un goût prononcé pour les "exploits techniques". Cest pour cette raison quil a pu mener à bien son sujet. Le secret professionnel et le secret de lenquête ne rendent pas possible lintrusion dune caméra dans un tribunal. Néanmoins, il a eu lautorisation de rompre le huit clos de lanti-chambre qui fait office de phase préparatoire. Ce documentaire a donc été permis sous certaines conditions. Il a fallu que le réalisateur mette au point un dispositif minimaliste qui a été accepté par le Tribunal de Paris. Le choix esthétique rentre dans le domaine conceptuel du cinéma direct. Avant le tournage, le projet renonce à lécriture élaborée dun scénario car il met en avant les rencontres prolongées, les surprise et linattendu des moments directs non contrôlables. Pendant le tournage, luvre prône le filmage de profil de deux interlocuteurs à la fois, sans changer dangle de vue pour ne pas perturber le déroulement de laudition, lutilisation dune caméra peu encombrante et un éclairage afilmique. Le réalisateur a filmé en continu et sans utiliser de clap. Le montage a dû être le travail le plus laborieux comme le montre le générique : 86 personnes ont été filmées et seulement 14 ont été retenues ! Tout ce travail abouti à un réalisme plus ou moins surprenant.
Les frontières de la "réalité"
Se pose dès lors le problème de la dualité entre documentaire et fiction. Daprès Roth, le documentaire serait un film qui montre des évènements qui se seraient déroulés de la même manière sans la présence de la caméra. Néanmoins, on sent constamment la présence de lobjectif : certains accusés sy adressent plusieurs fois ou son mal à laise face à cette présence. Lun des 3 substituts du procureur se retournera même vers cet intrus pendant les explications interminables dun accusé. Du moment que lon demande à laccusé dêtre filmé (tout en conservant son anonymat), il y a une prise de conscience de la présence de lobjectif qui brouille lattitude dune personne qui aurait été différente en labsence de la caméra. Parce que laudience finalement plus à un jeu plus quà une audition judiciaire. Cependant, et cest justement ce qui est le plus spectaculaire, léquipe de tournage se fait peu à peu oublier. Laudition devient plus vive, plus violente et plus expéditive. Cest sans doute ce qui explique les transformations stupéfiantes de certains prévenus. On comprend mieux pourquoi le réalisateur a conservé ces moments plus légers, enregistrés et perçus par les accusés. En jouant sur la longueur, en sattardant sur le destin plus ou moins tragique de ces personnes, Depardon opère un véritable travail de chirurgien su une des formes de l'humanité.
Capter les vérités humaines
Malgré tout ce système de tournage, on reste fasciné par le rapport entre les deux parties et dans lequel le substitut doit faire preuve de patience et découte afin de rédiger en quelques lignes les propos de laccusé. Cet échange place la relation humaine au dessus de la procédure rituelle et distante de laudition. Au fur et à mesure des entretiens, la "personnalité humaine" prend le dessus sur la "personnalité judiciaire". Lhumour face au dossier chargé dun joueur de Bonneteau (De temps en temps, vous passez au palais quand même), les sourires face aux propos aberrants dune femme qui a volé des vêtements, les remontrances tentant de bousculer les interlocuteurs, de les responsabiliser, la volonté de calmer le "mal" dont souffre les accusés par des suivis psychologiques et des cures de désintoxication, mais aussi limpuissance, faute de temps, pousse les substituts à enchaîner les multiples dossiers. Ces entretiens donnent une palette complexe de personnages différents les uns des autres du fait de leur origine, de leur âge, de leur passé de délinquant ou de leur réaction.
La particularité de ce film documentaire est quil emmène le spectateur dans un monde jusque là inaccessible. Le reporter photographe, qui nest pas à son premier essai (Faits Divers en 1983, Urgences en 1987), réussit à capter les émotions authentiques en faisant oublier la caméra introduite pourtant dans un espace restreint. En restant extérieur au système judiciaire (pas de dénonciations), luvre met finalement en avant les valeurs humaines dans toutes leurs complexités et nous offre par la même occasion un documentaire au caractère exceptionnel.
Réalisation : Raymond Depardon
Genre : Film documentaire
Année : 1994
Durée : 1h45
Particularités : césar du meilleur film à caractère documentaire (1995)
En 1956, deux anglais, Lindsay Anderson et Karel Reisz, lancent le Free Camera qui prône le traitement de la réalité sociale en privilégiant lapproche directe des personnes et de leur témoignage. Délits Flagrants de Raymond Depardon, reprend cette approche de la réalité la plus objective possible. Le film documentaire pénètre lanti-chambre de la justice en filmant les entretiens daccusés avec le substitut du procureur qui doit statuer sur leur éventuelle incarcération.
Le Cinéma Direct
Raymond Depardon a un goût prononcé pour les "exploits techniques". Cest pour cette raison quil a pu mener à bien son sujet. Le secret professionnel et le secret de lenquête ne rendent pas possible lintrusion dune caméra dans un tribunal. Néanmoins, il a eu lautorisation de rompre le huit clos de lanti-chambre qui fait office de phase préparatoire. Ce documentaire a donc été permis sous certaines conditions. Il a fallu que le réalisateur mette au point un dispositif minimaliste qui a été accepté par le Tribunal de Paris. Le choix esthétique rentre dans le domaine conceptuel du cinéma direct. Avant le tournage, le projet renonce à lécriture élaborée dun scénario car il met en avant les rencontres prolongées, les surprise et linattendu des moments directs non contrôlables. Pendant le tournage, luvre prône le filmage de profil de deux interlocuteurs à la fois, sans changer dangle de vue pour ne pas perturber le déroulement de laudition, lutilisation dune caméra peu encombrante et un éclairage afilmique. Le réalisateur a filmé en continu et sans utiliser de clap. Le montage a dû être le travail le plus laborieux comme le montre le générique : 86 personnes ont été filmées et seulement 14 ont été retenues ! Tout ce travail abouti à un réalisme plus ou moins surprenant.
Les frontières de la "réalité"
Se pose dès lors le problème de la dualité entre documentaire et fiction. Daprès Roth, le documentaire serait un film qui montre des évènements qui se seraient déroulés de la même manière sans la présence de la caméra. Néanmoins, on sent constamment la présence de lobjectif : certains accusés sy adressent plusieurs fois ou son mal à laise face à cette présence. Lun des 3 substituts du procureur se retournera même vers cet intrus pendant les explications interminables dun accusé. Du moment que lon demande à laccusé dêtre filmé (tout en conservant son anonymat), il y a une prise de conscience de la présence de lobjectif qui brouille lattitude dune personne qui aurait été différente en labsence de la caméra. Parce que laudience finalement plus à un jeu plus quà une audition judiciaire. Cependant, et cest justement ce qui est le plus spectaculaire, léquipe de tournage se fait peu à peu oublier. Laudition devient plus vive, plus violente et plus expéditive. Cest sans doute ce qui explique les transformations stupéfiantes de certains prévenus. On comprend mieux pourquoi le réalisateur a conservé ces moments plus légers, enregistrés et perçus par les accusés. En jouant sur la longueur, en sattardant sur le destin plus ou moins tragique de ces personnes, Depardon opère un véritable travail de chirurgien su une des formes de l'humanité.
Capter les vérités humaines
Malgré tout ce système de tournage, on reste fasciné par le rapport entre les deux parties et dans lequel le substitut doit faire preuve de patience et découte afin de rédiger en quelques lignes les propos de laccusé. Cet échange place la relation humaine au dessus de la procédure rituelle et distante de laudition. Au fur et à mesure des entretiens, la "personnalité humaine" prend le dessus sur la "personnalité judiciaire". Lhumour face au dossier chargé dun joueur de Bonneteau (De temps en temps, vous passez au palais quand même), les sourires face aux propos aberrants dune femme qui a volé des vêtements, les remontrances tentant de bousculer les interlocuteurs, de les responsabiliser, la volonté de calmer le "mal" dont souffre les accusés par des suivis psychologiques et des cures de désintoxication, mais aussi limpuissance, faute de temps, pousse les substituts à enchaîner les multiples dossiers. Ces entretiens donnent une palette complexe de personnages différents les uns des autres du fait de leur origine, de leur âge, de leur passé de délinquant ou de leur réaction.
La particularité de ce film documentaire est quil emmène le spectateur dans un monde jusque là inaccessible. Le reporter photographe, qui nest pas à son premier essai (Faits Divers en 1983, Urgences en 1987), réussit à capter les émotions authentiques en faisant oublier la caméra introduite pourtant dans un espace restreint. En restant extérieur au système judiciaire (pas de dénonciations), luvre met finalement en avant les valeurs humaines dans toutes leurs complexités et nous offre par la même occasion un documentaire au caractère exceptionnel.