La Porte Obscure est le quatrième recueil de nouvelles de Philip K. Dick de la collection Omnibus, ces fameux volumes noirs comportant aussi Substance Rêve, Dédales sans fin et Aurore sur un jardin de palmes.
Philip K. Dick (16 déc 1928 2 mars 1982) a écrit d'innombrables nouvelles, à raison d'en moyenne 8 nouvelles par ans, entre 1942 et 1992 (c'est-à-dire qu'elles ont été puliées après sa mort... en fait...
), de qualité et de longueurs conséquentes. On comprend aisément la difficulté d'en sélectionner quelques-unes parmi toute. D'où l'intérêt de ces collections, surtout qu'il n'est pas facile non plus de trouver ces nouvelles individuellement en librairie, hormis des classiques comme Ubik, a Scanner darkly, ou Le maître du haut château, sorties en livre de poche. Car les nouvelles de K. Dick sont d'autant de livres de poches, chacune ayant l'épaisseur d'un tel livre. On devrait plutôt dire qu'il s'agit d'un recueil de livre de poches, pour être plus précis.Ce volume contient donc 8 nouvelles, sélectionnées sur la période allant de 1956 à 1960, classées selon un ordre de préférence de l'éditeur (en tout cas, ce n'est ni chronologique ni alphabétique) : Les Pantins cosmiques, Docteur Futur, Loterie solaire, Les Marteaux de Vulcain, Les Chaînes de l'avenir, L'OEil dans le ciel, Le Profanateur, et Le Temps désarticulé.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire les dates d'écriture de ces oeuvres, K. Dick est bien en avance sur son époque, et cela reste de la science fiction hypothétiquement possible, et étrange, mais c'est surtout génial. On le soulignera jamais assez, K. Dick est un maître de la SF, au même titre qu'Asimov, Bradbury, ou C. Clarke. Tout le monde a au moins vu l'une de ses adaptions au cinéma, comme Minority Report, Blade Runner, ou Total Recall.
De fait, K. Dick a toujours été un auteur à succès, et le prochain A Scanner Darkly avec Keanu Reeves ne devrait que le confirmer. En fait, ses nouvelles collent particulièrement à notre époque de profonde remise en question du système, de soi, et de soi à travers le système.
Les Pantins Cosmiques.
Ted Barton retourne dans son village d'enfance, Millgate, un bled pommé situé dans les Appalaches, après des années d'absence. Il ne reconnaît plus son flamboyant village, devenu un lieu décrépis, tombant en ruine, et n'ayant plus ni les mêmes noms de rues, ni les mêmes commerces. En fait, il se trouve dans un endroit complètement différent, dans lequel les gens semblent détenir un improbable secret. Les apparitions nocturnes fantomatiques, traversant les murs, ne pourront que faire basculer Ted Barton dans une autre réalité, dans laquelle son village est pris comme terrain de bataille de la lutte entre le bien et le mal. L'histoire est bien racontée, mais elle manque de maturité dans le fond, je trouve, et se rapproche d'avantage de la Fantaisie (avec un grand F).
Docteur Futur.
Le Docteur Parson se rendait comme d'habitude à son domicile, quand son automobile téléguidée sortit des rails autoroutières par accident. En sortant de son épave, le Docteur Parson eut l'étrange surprise de se retrouver à autre époque, situé des centaines d'années dans le futur. Une époque techniquement très avancée, mais moralement revenu à l'état primaire, dans lequel la jeunesse cruelle regroupée en clans possède tout les droits, et où la mort est considéré comme un don de soi fait à son clan. L'une des meilleurs nouvelles de ce recueil je trouve, d'ailleurs elle a été écrite en 1960, et on sent comme l'auteur a gagné en écriture avec l'expérience, c'est du grand K. Dick.
Loterie solaire.
Imaginez un monde régi par les lois du hasard, un monde dans lequel le jeu de la loterie est devenu une institution internationale, et pour laquelle son meneur de jeu est considéré comme le maître de l'Univers. Malgré tout ses pouvoirs légaux, un tel meneur peut cependant être légalement assassiné, lors d'un show télévisé mondial mettant en scène un assassin. S'il réussit, l'assassin gagne des millions de dollars et la gloire, et un nouveau meneur de jeu est tiré au sort, à la loterie. S'il perd, un nouvel assassin est tiré au sort, et le show continue. Une excellente nouvelle, originale et bien menée, à l'ambiance très Mad-Maxiènne.
Les Marteaux de Vulcain.
Vulcain III, un puissant ordinateur autonome, contrôle la politique mondiale des gouvernements. Enfouit dans une base militaire secrète, cet ordinateur a la capacité d'évoluer de lui-même, en créant ses propres ressources et extensions dont il a besoin. Alors qu'une puissante organisation de rebels anti-Vulcain fait de plus en plus parler d'elle, d'étranges meurtres se produisent, apparemment commis par de petites machines volantes inconnus jusqu'alors. Un monde dans lequel l'humanité a donné toute sa confiance dans une machine, laquelle finira par se retourner contre elle pour assurer sa survie. Terrifiant, cependant la surprise est un peu amoindrie par un thème déjà trop repris par le cinéma. Mais au moins, il nous permet d'y réfléchir à deux fois car de tels ordinateurs ne sont pas loin d'exister réellement.
Les Chaînes de l'avenir.
Sur Terre, après la troisième guerre mondiale, la paix est maintenue difficilement par les forces de l'ordre. Celle-ci doit faire face à un mouvement de révolte de grande ampleur, menée par un mutant qui possède la capacité de voir constamment un an dans l'avenir, comme si sa vie présente était l'écho de ce qu'il voyait un an auparavant.
Dans l'espace, une menace d'un autre genre se fait également sentir, puisque des Dériveurs, des espèces de méduses géantes inoffensives, s'échouent en masse sur les planètes du système ; alors que dans un laboratoire, un savant réussit à produire des créatures naines ressemblant grossièrement à des humains, mais capables de vivre dans une atmosphère de type vénusiènne.
D'où viennent ces Dériveurs, et que sont ils en réalité ? Qu'est-ce que le mutant devin voit dans l'avenir et qui l'inquiète tant ? Les nains de labo iront-ils un jour sur Vénus ? Vous le saurez en de l'a
L'OEil dans le ciel.
Hamilton, un brillant chercheur en électronique et sa femme travaillent dans un centre de recherche national, où le niveau de sécurité est paranoïaque. Sa femme, accusée d'être communiste, doit quitter son travail, dans une Amérique en pleine guerre-froide, et en plein McCarthisme. Hamilton n'en croit rien et s'apprête aussi à quitter son travail pour la suivre, quand, en faisant une dernière visite à l'accélérateur de particules, un accident survint, et la passerelle d'observation et tout ses occupants, Hamilton et sa femme compris, tombent dans les méandres du cyclotron. Le temps des accidentés se voit alors déformés à la vitesse des particules, tandis que leurs consciences est plongée dans l'un des mondes intérieurs psychiques de l'un d'entre eux.
Ainsi, les accidentés se retrouvent sain dans un monde qui ressemble à la réalité, à un détail près : il est régit par la foi (une prière pour faire tomber de l'argent du ciel, une autre pour enlever le mauvais sort), et mené par une dictature d'anges militaires.
Un pur délire de K. Dick, totalement givré, et donc totalement génial, mais qui s'essouffle un peu vers la fin.
Le Profanateur
Dans une société futuriste d'après guerre, la morale est redevenue stricte et religieuse, comme un catéchisme générale, dans lequel il n'est pas permis légalement de pécher, et dans lequel chaque semaine une personne sujette à des rumeurs doit s'expliquer en publique sur ce qu'on lui reproche, comme lors d'une confession. Allen Purcell, gérant d'une entreprise de scripts pour la télévision, est en phase d'être embauché comme directeur de l'entreprise de télévision nationale, son principal client, celle qui diffuse sur toute les chaînes cette morale extrême. Seulement Allen est quelqu'un d'original, un créatif, qui a besoin de s'évader et de liberté.
Un nouvelle qui intéresse particulièrement notre époque moralement assez rigide dans lequel la moindre déviation doit être corrigée par un psy. Ces derniers seront aussi au centre de cette nouvelle.
Le Temps désarticulé
Ragle, sans-emploi dans la quarantaine, gagne sa vie en réussissant à trouver à chaque fois la réponse d'un jeu d'un journal quotidien. Il en est le champion incontesté, une vedette de sa petite ville. Cependant, il vit chez sa soeur, laquelle est mariée et a un enfant, et ce sont les années 50. Ragle se souvient d'avoir été un héros de guerre, et maintenant le voici au crochet de sa soeur, entouré de vieux journaux pour l'aider à trouver la solution du concourt « où sera le petit homme vert la prochaine fois? »
S'il n'y avait que sa situation qui clochait, il se trouve aussi que parfois, les objets qui l'entoure disparaissent et laissent place à une simple étiquette mentionnant leurs noms commun. Décidément, cette ville est bien étrange, et si, ce n'était pas une vraie ville ? Et si tout était un simulacre pour le maintenir en ces lieux ? Que cache en réalité ce concourt ?
Ce recueil contient donc plusieurs perles de l'auteur, et il devrait être dans toutes les bonnes bibliothèques qui se respectent.
Philip K. Dick, La Porte Obscure, recueil de nouvelles aux Éditions Omnibus, 1000 pages, 23.60
Note : 9/10
