(théâtre) Mlle Julie - Strinberg
Publié : 26 février 2007, 12:00
Mademoiselle Julie
Texte : August Strindberg
Traduction : Terje Sinding (ed.Circé)
Mise en scène : Jacques Vincey Compagnie Sirènes
avec Cécile Camp, Julie Delarme, Vincent Winterhalter
Faire entrer un triangle dans un carré
Note : 8
La question des rapports de force au theatre ... .le sujet évoquera certainement de vieilles rancoeurs à bon nombre d'entre vous, souvenirs douloureux d'un plus ou moins lointain baccalauréat littéraire...Maîtres et valets ...vous penserez peut être à Beaumarchais, peut être a Marivaux, et à notre incontournable Molière mais plus rares seront ceux qui penseront spontanément à Strindberg. Avec Strindberg, nous voilà plongés au 19e siècle dans une écriture paradoxalement moderne. La mise en scène de Jacques Vincey se situe intelligemment dans l'air du temps, de notre temps, et se fait témoin efficace de cette modernité...
L'histoire n'est pas tellement complexe. Jeune, noble et jolie femme joueuse, Mlle Julie désire ce qu'elle n'a pas. A savoir son domestique. Elle s'amuse avec le milieu populaire qui n'est pas le sien au risque de compromettre son honneur. Elle se pavane dans la séduction et défie son domestique de se prêter au jeu. Il commence par la repousser. Il prétexte l'honneur loin de la futililé qui serait le propre des gens humbles. Et puis il y a Kristin sa fiancée, cette droite, prude et bigotte cuisinière.
Comment repousser sa maîtresse sans l'offenser ? comment ne pas se laisser tenter par cette jeune créature si entreprenante et désirable. Il est question de sexe et de domination.Le sexe faible bravant les interdits et se jetant dans le lit de son domestique. Le sexe fort soumis socialement presque forcé d y consentir. Car il y consent, car il est homme avant d'être être socia! Après cela, quelle solution s'offre ? Mlle Julie fantasme une fuite à la Romeo et Juliette mais si le désir physique a uni ces deux-là, point d'amour fougueux, point de romantisme magique, point de mièvrerie...Chacun a menti à l'autre, chacun s'est menti à soi. Le valet n'aime pas sa maîtresse et devient cruel voire pervers avec cette femme prête a se déshonnorer.La seule issue sera la mort pour notre Mlle Julie puérile et idéaliste.
Tout se passe dans un carré lumineux.De bonnes odeurs de cuisine s'échappent. Simple et moderne la mise en scène montre des rapports humains rigides irrévoquables. Mlle Julie est une Antigone, une femme qui dit non. Mais elle est simplette et agacante, plus allumeuse qu'amoureuse, plus provocatrice que féministe .Un personnage hystérique, dominateur et dominé. On retrouve les mêmes vices chez son amant prenant sa revanche à la dominer. Impossible d'aimer parfaitement ces personnages. Impossible d'y rester insensibles tant leurs défauts les rendent humains et intemporels.
Les comédiens s'en tirent bien laissant les ambiguïtés planer.Kristin est majestueuse de sagesse charismatique.
Si certaines scènes nous semblent trop jouer sur la corde sensible s'en être essentielles à la dramaturgie, on finit par se prendre de pitié pour ce trio victime des plus grands rapports de force de nos sociétés et de leur propre activité fantasmatique. Pas de moralisme usant, pas de tragédie lassante, juste l'émotion d'être pris entre désirs intimes et rôles sociaux. Strinberg aura eu l'audace d'inverser ici tous les a priori sociaux, déplaçant les pions d'une société figée, expérimentant de nouveaux liens sociaux, brouillant les fils des marionnettes jusqu'à ce qu'elles ne se prennent elles-mêmes les pieds dedans, ou qu'elles meurent étranglées par les entremêlements de ces cordes invisibles.
Texte : August Strindberg
Traduction : Terje Sinding (ed.Circé)
Mise en scène : Jacques Vincey Compagnie Sirènes
avec Cécile Camp, Julie Delarme, Vincent Winterhalter
Faire entrer un triangle dans un carré
Note : 8
La question des rapports de force au theatre ... .le sujet évoquera certainement de vieilles rancoeurs à bon nombre d'entre vous, souvenirs douloureux d'un plus ou moins lointain baccalauréat littéraire...Maîtres et valets ...vous penserez peut être à Beaumarchais, peut être a Marivaux, et à notre incontournable Molière mais plus rares seront ceux qui penseront spontanément à Strindberg. Avec Strindberg, nous voilà plongés au 19e siècle dans une écriture paradoxalement moderne. La mise en scène de Jacques Vincey se situe intelligemment dans l'air du temps, de notre temps, et se fait témoin efficace de cette modernité...
L'histoire n'est pas tellement complexe. Jeune, noble et jolie femme joueuse, Mlle Julie désire ce qu'elle n'a pas. A savoir son domestique. Elle s'amuse avec le milieu populaire qui n'est pas le sien au risque de compromettre son honneur. Elle se pavane dans la séduction et défie son domestique de se prêter au jeu. Il commence par la repousser. Il prétexte l'honneur loin de la futililé qui serait le propre des gens humbles. Et puis il y a Kristin sa fiancée, cette droite, prude et bigotte cuisinière.
Comment repousser sa maîtresse sans l'offenser ? comment ne pas se laisser tenter par cette jeune créature si entreprenante et désirable. Il est question de sexe et de domination.Le sexe faible bravant les interdits et se jetant dans le lit de son domestique. Le sexe fort soumis socialement presque forcé d y consentir. Car il y consent, car il est homme avant d'être être socia! Après cela, quelle solution s'offre ? Mlle Julie fantasme une fuite à la Romeo et Juliette mais si le désir physique a uni ces deux-là, point d'amour fougueux, point de romantisme magique, point de mièvrerie...Chacun a menti à l'autre, chacun s'est menti à soi. Le valet n'aime pas sa maîtresse et devient cruel voire pervers avec cette femme prête a se déshonnorer.La seule issue sera la mort pour notre Mlle Julie puérile et idéaliste.
Tout se passe dans un carré lumineux.De bonnes odeurs de cuisine s'échappent. Simple et moderne la mise en scène montre des rapports humains rigides irrévoquables. Mlle Julie est une Antigone, une femme qui dit non. Mais elle est simplette et agacante, plus allumeuse qu'amoureuse, plus provocatrice que féministe .Un personnage hystérique, dominateur et dominé. On retrouve les mêmes vices chez son amant prenant sa revanche à la dominer. Impossible d'aimer parfaitement ces personnages. Impossible d'y rester insensibles tant leurs défauts les rendent humains et intemporels.
Les comédiens s'en tirent bien laissant les ambiguïtés planer.Kristin est majestueuse de sagesse charismatique.
Si certaines scènes nous semblent trop jouer sur la corde sensible s'en être essentielles à la dramaturgie, on finit par se prendre de pitié pour ce trio victime des plus grands rapports de force de nos sociétés et de leur propre activité fantasmatique. Pas de moralisme usant, pas de tragédie lassante, juste l'émotion d'être pris entre désirs intimes et rôles sociaux. Strinberg aura eu l'audace d'inverser ici tous les a priori sociaux, déplaçant les pions d'une société figée, expérimentant de nouveaux liens sociaux, brouillant les fils des marionnettes jusqu'à ce qu'elles ne se prennent elles-mêmes les pieds dedans, ou qu'elles meurent étranglées par les entremêlements de ces cordes invisibles.